Et si les Réseaux Sociaux d’Entreprise fonctionnaient un jour ? Si la question peut susciter sourire et scepticisme, c’est parce qu’en la matière, les réussites sont plutôt rares. L’étude de différents projets montre pourtant que des leviers existent et qu’ils dépassent le cadre d’explications habituellement admises.
Outils révolutionnaires cherchent utilisateurs : Le raisonnement à l’origine du lancement des Réseaux Sociaux d’Entreprise (ou RSE) est séduisant. De manière somme toute caricaturale, il peut se résumer ainsi : dans un contexte de complexité croissante des organisations et du développement massif du mode projet, un RSE doit permettre de gagner en efficacité et de stimuler l’innovation en fluidifiant la transmission d’information et en dépassant les cloisonnements organisationnels ou hiérarchiques. Toutes les démarches menées jusqu’à présent pour favoriser la capitalisation, développer la productivité et impliquer les salariés pourraient ainsi être mises au placard : le réseau social d’entreprise serait en effet la "recette miracle" qui permettrait la nécessaire transformation de l’organisation. En matière de déploiement, pas plus de questions à se poser : la plupart des salariés étant aussi à titre privé des utilisateurs de réseaux sociaux externes, ils adopteraient de façon naturelle et instinctive le nouvel outil de l’entreprise et partageraient informations et savoir-faire avec leurs collègues comme ils partagent photos, expériences professionnelles ou articles de journaux sur Facebook, LinkedIn ou Twitter. La révolution n’a en fait jamais eu lieu, ou dans de très rares cas de figure : seuls 10% des déploiements de RSE lancés dans le monde sont réussis (Gartner Group – 2013). Pour la France, ce sont 86% des décideurs qui cherchent encore leur voie quant à l’adoption éventuelle d’un réseau social. Réseaux peu actifs : une recherche d'explications souvent partielle : « C’est un problème de génération ». Spontanément, c’est l’explication la plus souvent avancée pour justifier l’absence d’adoption. Reprenant l’analogie avec les réseaux sociaux externes, les RSE seraient des outils réservés aux jeunes générations dites "connectées", et leur non-appropriation par des salariés plus seniors serait finalement assez logique. Pourtant, l’analyse des communautés qui fonctionnent (ou non) révèle que l’âge de leurs membres n’est absolument pas un critère discriminant. Une communauté d’experts fonctionne soit très bien, soit pas du tout, et lorsque l’adoption a lieu elle ne laisse aucune génération au bord de la route. Les salariés s’approprient alors cet espace de communication aussi facilement qu’ils se sont appropriés l’e-mail il y a plusieurs années. « On cultive l’art de la confidentialité et du cloisonnement ». Le poids de l’organisation, son histoire, l’appartenance à une "baronnie" locale ou à une autre, la volonté de préserver ses savoir-faire ou ses informations sur son périmètre sont autant d’autres raisons avancées par les organisations pour justifier l’échec de leur RSE. Dans le fond, c’est même lapalissade : vouloir donner la parole, sans que cela soit obligatoire, à des collaborateurs qui n’ont pas envie de la prendre ne peut aboutir qu’à un échec. Mais une étude plus fine montre que l’absence d’appropriation tient plus d’un manque de culture collaborative initiale, plutôt que d’un réel culte de la confidentialité. Les Réseaux Sociaux d’Entreprise ne sont pas des outils "transformants" par essence. Ils peuvent accélérer un besoin de transmission d’informations, mais leur succès impliquent que des réflexes de collaboration soient préexistants : réseaux informels déjà établis, utilisation de canaux (souvent perfectibles) d’échanges d’informations, etc. Le mode projet, transversal par essence, peut constituer un point d’entrée intéressant pour la mise en place de réseaux sociaux internes. « Le RSE n’apporte rien de nouveau aux utilisateurs ». Derrière cette idée, se cache une question clé : quel intérêt (métier) pour les utilisateurs au quotidien ? Les espaces collaboratifs qui ne sont pas constitués autour de communautés d’intérêts transverses sont systématiquement des échecs. |