LOPPSI 2 : Le mauvais filtrage de l'Internet ?

Date 15/3/2011 11:00:00 | Sujet : Internet

La CFE-CGC & l’UNSA Télécoms condamne la validation des dispositions liberticides relatives à l’Internet.


Des hommes et femmes politiques de tout bord accusant Internet de tous les maux (« envahi par toutes les mafias du monde » selon une formule célèbre), c'est un grand classique. Mais le projet de loi Loppsi 2, adopté par les parlementaires, était un festival d'incompétence, où au nom du tout-sécuritaire ce texte fourre-tout met à mal des principes fondamentaux, notamment en matière d'Internet, avec le blocage annoncé des sites au nom de la lutte contre la pédo-pornographie.

Si le Conseil Constitutionnel a rejeté la plupart des articles liberticides, la CFE-CGC & l’UNSA Télécoms condamne la validation des dispositions relatives à l’Internet. Dès qu’il le sera possible, elle a décidé de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes dans le cadre d’un renvoi préjudiciel notamment sur les droits exorbitants accordés aux forces de police.

La censure est-elle digne d’une démocratie ?

Filtrer le Web? L'Australie l’a fait. Résultat : des milliers de sites en aucune façon pédophiles ont été abusivement rangés dans les listes noires et rendus inaccessibles.

Techniquement, c’est parfaitement possible : l’exemple sans état d'âme de la Chine le démontre. La France veut-elle s’en inspirer ? C’est ce que pointent certains médias : « les dictateurs en ont rêvé », pendant que la CNIL s’inquiète de nouvelles collectes de données personnelles à l’insu des utilisateurs, sans maîtrise de leur détention et de leur exploitation, ni utilité avérée en terme de lutte contre la criminalité.

Dans un pays qui se réclame des droits de l’Homme, on peut à juste titre s’inquiéter d’une dérive policière, qui considérerait la confidentialité des échanges privés et la liberté d’expression comme accessoires, et le contrôle de la légalité par un juge indépendant comme une sornette. Ces deux principes ne constituent-ils pas les fondements même de la démocratie ?

Filtrer le web : une mesure contre-productive qui protège surtout… les délinquants

Dangereuse sur le principe, la volonté de filtrage d'Internet de la Loppsi 2 pose en outre un réel problème d'efficacité en particulier face à la pédo-pornographie, souvent mise en avant pour justifier le blocage a priori des sites. Loppsi.fr, un site qui suit l'évolution du projet de loi depuis ses débuts s'interroge "Les professionnels du Net s'accordent à dire qu'il n'y a pas de sites ou de photos pédophiles sur le Web [...] Alors à quoi bon faire une liste noire des sites pédophiles? Pour protéger qui?". Des experts légaux et des gendarmes ont démontré que le filtrage était une mauvaise réponse contre la pornographie enfantine.

Changements d'adresse express, reroutages, les contournements sont monnaie courante pour déménager rapidement des contenus illégaux. Filtrer les sites, c'est inefficace. La Loppsi ne vise-t-elle qu'un effet d'affichage ? Bloquer un site ne l'empêche pas d'exister (il restera accessible depuis d'autres pays par exemple), alors qu'une action concertée de police pourrait y mettre fin définitivement. Pourquoi ne regarde-t-on pas, plutôt que vers la Chine ou l'Australie, du côté de l'Allemagne, où la lutte à la source semble autrement efficace?

Une charge financière supplémentaire pour les fournisseurs d’accès

Vue des opérateurs, auxquels l'État demandera de bloquer des sites, l'opération suppose des dispositifs techniques, des ressources humaines et du temps, donc de l'argent. Or, on l'a déjà vu avec Hadopi (70 millions d'euros par an pour les FAI), qui n'a rien réglé pour l'indemnisation des FAI. Xavier Niel, le fondateur de Free, a critiqué à juste titre Hadopi, qui transfère aux opérateurs Internet des missions et des coûts qui ne sont pas de leur périmètre légitime d’intervention.

Inefficace contre la cyber-criminalité, la Loppsi 2 est d'une toxicité avérée contre la démocratie et le libre fonctionnement d'Internet, tout en créant de dangereux précédents vers une société de surveillance des citoyens. La presse internationale s'est émue depuis plusieurs mois des aspects liberticides du projet de loi français.





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