 Interrogée récemment à propos du logiciel Ardoise, la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, avait répondu de façon péremptoire que ce logiciel ne présentait « aucun risque d’attenter à quelque liberté que ce soit… »
C’est rassurant, évidemment ......... Mais est-ce bien sûr ? Ardoise est un nouveau logiciel de renseignement dont vont bientôt disposer les services de police et de gendarmerie. Il a pour finalité de créer des fiches informatiques qui seront consultables par les forces de l’ordre sur tout le territoire national. Ardoise permet d’enregistrer les caractéristiques personnelles de toute personne entendue comme victime, témoin ou suspect, au cours d’une procédure. Les agents chargés d’entrer les données devront renseigner la rubrique « état de la personne » et établir un profil de la personne en cliquant parmi les thèmes suivants : « homosexuel », « transsexuel », « handicapé », « sans domicile fixe », « personne se livrant à la prostitution », « travesti », « relation habituelle avec personne prostituée », « personne atteinte de troubles psychologiques », « usager de stupéfiants », « permanent syndical »…
Dès 2007, et sans attendre l’avis de la Cnil, la direction de la formation de la police nationale a entrepris de former les personnels à son utilisation – à terme cela concernera près de 90.000 employés des forces de l’ordre. Trois associations – le Collectif contre l’homophobie, les Oubliés de la mémoire et FLAG ! (association de policiers gay et lesbiens) – ont écrit à la Cnil pour contester les rubriques utilisées par Ardoise. Pour le président du CCH, « cette pratique peut donner lieu à des dérives de sinistre mémoire » Vraiment aucun risque d’attenter à quelque liberté que ce soit ? Le Système de traitement des infractions constatées (le Stic) Ardoise va servir à « alimenter » un autre fichier dénommé Ariane qui regroupera les deux fichiers actuellement utilisés par la police (Stic) et la gendarmerie (Judex). Voici ce qu’écrivait un magistrat , il y a un an, à propos du Stic : « L’immense fichier du Stic, légalisé par la loi n°2003 du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure contient 4,7 millions de fiches de “mis en cause ” et 22,5 millions de victimes, et dont une bonne part ne sont pas mises à jour faute de contrôle par des procureurs de la République totalement impuissants. Il a fallu un “programme d’apurement automatique” du STIC en octobre 2004 pour s’apercevoir que 1,2 millions de fiches de mis en cause n’avaient pas lieu d’être. C’est évidemment dommage pour ce million de citoyens qui a pu voir ainsi son sort aggravé s’il avait à faire à la justice ou ses chances compromises s’il faisait l’objet d’une enquête administrative à l’embauche. Les erreurs sont légion. Quant aux non-lieux, relaxes ou acquittements qui peuvent être la suite d’une “infraction constatée”, n’y comptez pas, le fichier n’est pas fait pour les décisions de justice, d’ailleurs les magistrats qui sont chargés de le contrôler n’y ont même pas accès directement ! » Vraiment aucun risque d’attenter à quelque liberté que ce soit ? |