Baby blues : définition, différences avec la dépression postpartum et conseils pour les gérer

Le blues de bébé représentent une étape physiologique transitoire, vécue par environ 85 % des nouvelles mamans après l’accouchement. Soutenir les familles durant cette période délicate de transition vers la parentalité est essentiel pour préserver leur bien-être psychique et physique.

Qu’est-ce que le baby blues ?

Le terme « baby blues » ou « blues de maternité » désigne un malaise passager que la majorité des femmes (environ 8,5 sur 10) expérimentent immédiatement après la naissance de leur enfant. Institutionnellement, il a été introduit par le pédiatre et psychanalyste britannique Donald Winnicott pour différencier cette condition physiologique de la simple tristesse passagère, qui se résout spontanément, d’un état dépressif plus profond et durable.

Les variations hormonales brutales qui suivent l’accouchement, combinées aux changements rapides du corps, ainsi qu’au bouleversement de la vie quotidienne, nécessitent du temps pour être assimilées. La transition entre la grossesse, l’accouchement et la période qui suit est extrêmement sensible sur le plan émotionnel.

Pour comprendre la complexité du processus de réorganisation personnelle qu’engendre la parentalité, on peut se référer à nouveau aux travaux de Daniel Stern, un des principaux chercheurs en développement psychologique infantile. Selon lui, nombreuses sont les femmes, dans notre contexte culturel, à subir une redéfinition de leurs états émotionnels liés à leur nouvelle fonction de mère, qu’il qualifie de « constellation maternelle ». Celle-ci influence leurs désirs, leurs peurs, leurs attentes et leurs comportements, devenant (pour une durée variable) leur préoccupation centrale.

Cette « constellation maternelle » se compose principalement de quatre thèmes, chacun étant associé à des tâches spécifiques indispensables à la survie et au développement du bébé :

  •  Vie et croissance : serai-je capable de maintenir en vie mon enfant et de favoriser sa croissance ?
  •  Relationalité primaire : pourrai-je répondre à ses besoins psychologiques et affectifs, l’aimer et qu’il m’aime en retour ?
  • Support : réussirai-je à construire et à maintenir un réseau d’aide qui puisse m’épauler, afin de me concentrer sur le développement psychique et affectif de mon bébé ?
  • Recomposition de l’identité : saurai-je transférer mon centre d’attention de mes anciens rôles de fille, d’épouse/partenaire ou de travailleuse vers celui de mère, sans perdre les éléments essentiels de ma propre identité ?

Il est compréhensible que ces préoccupations et ce travail de transformation personnelle soient accompagnés d’émotions fortes, parfois ambivalentes. Pour mieux appréhender le baby blues, il est vital d’identifier ses principaux symptômes et de comprendre sa durée.

Les symptômes et la durée du baby blues

Les caractéristiques du baby blues sont principalement sa nature passagère. Si une doute subsiste, la question à se poser est : combien de temps cela dure-t-il ? Généralement, le baby blues apparaît entre le troisième et le quatrième jour après l’accouchement, peu après le retour à domicile pour celles qui ont accouché en maternité ou en clinique. Il disparaît naturellement dans un délai maximum de deux semaines. Si les symptômes persistent au-delà de 10 à 14 jours, il est conseillé de rechercher une autre origine à ce mal-être et de consulter un professionnel.

Les signes du baby blues ressemblent à ceux d’une légère dépression :

  •  Humeur instable ;
  •  Crises de pleurs ou de tristesse ;
  •  Irritabilité et nervosité ;
  •  Sentiment d’incompétence ou de inadéquation ;
  •  Anxiété, peurs ou préoccupations, notamment concernant l’allaitement ou la prise en charge, souvent amplifiées ;
  •  Difficultés de concentration et fatigue ;
  •  Troubles du sommeil et de l’appétit.

Il est important de souligner que ces symptômes sont de moindre intensité : le baby blues n’entrave pas la vie quotidienne ni la capacité de prendre soin de son bébé. Lorsqu’on rééquilibre les hormones et qu’on s’adapte aux changements physiques et psychologiques, ces sensations tendent à disparaître d’elles-mêmes, sans laisser de séquelles à long terme.

Que faire face au baby blues ?

Les solutions pour accompagner cette période difficile sont multiples, mais avant tout, il est essentiel de rappeler qu’éprouver des émotions ambivalentes lors de cette étape n’est pas synonyme de pathologie.

Dans notre société, la maternité est souvent idéalisée, et un discours dominant minimise ou ignore les difficultés et sentiments négatifs qui peuvent l’accompagner, laissant peu de place à leur expression. Pourtant, accepter ses ressentis et ses émotions, sans se sentir « défaillante » ou coupable, est fondamental. Cela permet non seulement d’affronter sereinement les moments plus difficiles, mais aussi d’entrer dans une dynamique d’écoute et d’observation, essentielle pour capter les besoins et les sentiments du nouveau-né. Au contraire, réprimer ou nier ses émotions, souvent par conformité aux attentes sociales, empêche leur traitement et leur compréhension, favorisant l’émergence de troubles psychologiques.

Plutôt que de parler de remèdes miracles contre le baby blues, il serait plus judicieux de questionner ses origines et d’envisager un accompagnement collectif pour soutenir les nouveaux parents. La prévention doit constituer une priorité, notamment en proposant des moyens pour lutter contre le sentiment d’isolement et d’inadéquation qui touche de nombreuses familles naissantes.

Voici quelques facteurs protecteurs, qui peuvent aider les mères et les familles à affronter cette période de transformations :

  •  Le partage d’expériences et le soutien entre pairs, via la famille, les amis ou des groupes de parole, que ce soit lors des cours de préparation à l’accouchement, ou dans des groupes d’entraide en présentiel ou en ligne ;
  •  Un soutien émotionnel et pratique de la part de professionnels spécialisés en périnatalité (sage-femme, doula, psychologue ou conseiller en lactation IBCLC, etc.), capables d’accueillir sans jugement et de favoriser une vision de la maternité plus conforme à la réalité vécue, tout en renforçant les ressources personnelles des parents ;
  •  Une aide concrète dans la gestion des tâches domestiques et familiales, soit via le réseau familial, soit par recours à du personnel rémunéré.

Il est crucial de souligner qu’il ne faut en aucun cas éloigner la mère de son enfant si elle n’en fait pas la demande. Offrir une aide pratique, comme préparer un repas ou prendre en charge une tâche, plutôt que de distraire ou d’interrompre le lien privilégié enfant-mère (notamment pour préserver le contact corporel et la communication précoce essentielle pour l’attachement et l’allaitement), est la meilleure approche. Même en cas de baby blues, soutenir plutôt que remplacer la mère dans ses fonctions d’éducatrice favorise le renforcement de son sentiment d’efficacité et la solidité du lien affectif avec le bébé.

Recevoir du soutien est également primordial pour préserver le temps nécessaire à l’écoute de soi et à la relation de couple, en évitant de se retrouver ravalée à un rôle purement réactif face aux besoins du nourrisson. La difficulté à parler de ses sentiments ou à demander de l’aide, souvent influencée par la culture et la peur d’être jugée, montre qu’il faut davantage miser sur la prévention. L’écoute, la discussion et le respect doivent primer pour éviter que des troubles psychologiques, tels que la dépression périnatale, ne s’installent durablement.

Pour les cas plus graves, il existe aujourd’hui en France des structures hospitalières proposant des consultations psychologiques spécialisées dans la période périnatale, et il est également possible de consulter en privé des professionnels formés dans ce domaine.

Différences entre baby blues et dépression postpartum

Les distinctions principales entre dépression post-partum et baby blues ne résident pas tant dans la nature des émotions, mais plutôt dans leur durée et leur intensité. La dépression peut entraîner une altération significative des activités quotidiennes, y compris les soins à soi-même et au bébé.

Les signaux d’alarme sont :

  • Une souffrance qui dure plus de deux semaines ;
  • Un début qui survient un mois ou plus après l’accouchement, avec un pic entre la huitième et la douzième semaine ;
  • Une difficulté à exercer les actes de la vie quotidienne, à prendre soin de soi ou de son enfant.

Il est fondamental de rappeler qu’en France, comme dans d’autres pays, la cause de la dépression périnatale ne peut pas être attribuée à la faiblesse ou à la culpabilité de la mère. La stigmatisation, encore largement présente, tend à faire porter une responsabilité personnelle sur la femme qui souffre, alimentant un sentiment de honte et de remords. Une mère qui traverse une dépression post-partum peut se sentir indigne du bonheur ou du lien avec son enfant, ce qui aggrave sa détresse.

Ce contexte culturel, où parler de troubles psychologiques est encore mal vu, contribue à sous-estimer la fréquence de ces troubles. Selon la revue systématique menée par Al-Abri en 2023, plus d’une femme sur quatre peut être concernée par une dépression périnatale.

Face à ces enjeux, il est crucial de se faire accompagner rapidement via une consultation spécialisée ou un suivi psychologique adapté. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’une meilleure prise en charge pourrait réduire de moitié le nombre de décès liés à des problématiques de santé mentale durant cette période.

Attendre que les troubles s’estompent d’eux-mêmes n’est pas une option sûre. Si vous percevez des signes de dépression, n’hésitez pas à solliciter un professionnel de la santé pour un accompagnement adapté et thérapeutique.

Article pensé et écrit par :
Avatar de Julie Ménard
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