Les mythes populaires en psychologie qui associent beauté et bonté sont-ils principalement fonciers ou simplement des illusions de perception ? Une récente étude publiée dans la revue Scientific Reports remet en question l’un des stéréotypes sociaux longtemps tenus pour acquis : celui selon lequel "belle est morale", un concept qui fait écho à l’idéal antique grec de kalokagathia (du grec kalòs kai agathòs, littéralement « beau et bon »), selon lequel ce qui est beau serait nécessairement bon. Cependant, cette recherche montre que ce n’est pas la beauté physique qui influence notre jugement moral, mais plutôt le degré de sympathie ou d’affection que nous éprouvons pour une personne, indépendamment de ses caractéristiques esthétiques objectives.
Une remise en question d’un cliché social
L’étude, qui remet en cause ce cliché de la psychologie sociale, indique que ce n’est pas tant l’aspect extérieur d’une personne qui nous pousse à la percevoir comme moralement irréprochable, mais plutôt la manière dont cette personne nous plaît ou nous séduit. Autrement dit, ce n’est pas la beauté en soi qui influence notre jugement moral, mais notre attrait personnel pour l’individu, une notion qui soulève des interrogations sur la subjectivité de nos perceptions.
Trois expériences pour étayer ces conclusions
Pour arriver à ces résultats, les chercheurs ont mené trois expériences impliquant respectivement 788 Américains, 1 913 Polonais et 1 024 Britanniques. Dans chaque test, aux participants était présenté un ensemble de photos d’individus inconnus, dont la beauté variait d’un sujet à l’autre. On leur demandait ensuite d’évaluer ces personnes selon plusieurs traits tels que la vanité, la sociabilité ou la moralité.
Lors de la première expérience, il a été constaté que plus une personne plaisait aux participants, notamment chez les femmes, plus ces dernières la percevaient comme moralement bonne, et cela indépendamment de leur apparence physique réelle. En clair, l’affection que l’on éprouve pour quelqu’un influence notre jugement moral, plus que ses traits physiques.
Une tendance qui se confirme
La deuxième expérience est venue renforcer cette idée en montrant que le phénomène est particulièrement marqué chez les femmes ; chez les hommes, la relation entre attractivité et jugement moral n’était pas aussi évidente. Enfin, la troisième expérience a approfondi la réflexion en présentant aux participants non seulement des photos mais aussi des profils de personnalités — certains proches de ceux de l’évalué, d’autres très différents. Résultat : le stéréotype du « beau est moral » a été totalement écarté, puisqu’on a observé que c’est surtout la ressemblance ou la similarité perçue qui influençait positivement le jugement moral, et non pas la beauté extérieure.
Une perception limitée aux femmes ?
Une autre particularité notable de cette étude concerne la question du genre. Dans les trois expériences, où il faut préciser que toutes les photos représentaient uniquement des personnes blanches, la beauté physique a été un facteur déterminant dans l’évaluation morale uniquement chez les femmes. Cela rejoint les normes culturelles actuelles, qui mettent davantage en avant l’apparence esthétique des femmes que celle des hommes. Toutefois, cette donnée souligne aussi la nécessité de poursuivre la recherche afin d’étudier les différences de perception morale selon le genre, pour mieux comprendre si cette tendance est universelle ou spécifique à certains contextes sociaux.
En conclusion, ces résultats remettent en question un mythe longtemps partagé : celui selon lequel la beauté physique serait intrinsèquement liée à la moralité. Ce qui apparaît plutôt comme déterminant dans notre perception morale, c’est la sympathie que nous éprouvons pour autrui, et non leur apparence extérieure. Un changement de perspective qui invite à repenser nos jugements et à prendre conscience de la subjectivité inhérente à nos évaluations morales.