Comment réagir face aux enfants agressifs ? Quelles sont les stratégies éducatives les plus adaptées ? Comprendre les raisons qui se cachent derrière les comportements violents est la première étape pour résoudre le problème.
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Les enfants agressifs, par leurs comportements, suscitent souvent l’inquiétude des adultes, qui réagissent fréquemment par une certaine agressivité eux-mêmes. Or, ce n’est pas une solution efficace. Comme nous le verrons, pour gérer l’agressivité des enfants de manière constructive, il est essentiel de d’abord comprendre d’où elle provient et d’adopter une attitude calme et accueillante.
Les comportements agressifs chez les enfants apparaissent généralement entre un et deux ans, pour parfois persister jusqu’à l’âge préscolaire et même au-delà. Mordillements, tirages de cheveux, coups donnés à leurs pairs ou, parfois, aux adultes… Mais quelles sont les raisons profondes de cette agressivité infantile ? Comment la psychologie et la pédagogie peuvent-elles nous aider à gérer des enfants agressifs ?
Causes de l’agressivité chez les enfants
Il est important de préciser que les comportements agressifs chez les jeunes enfants ne sont jamais gratuits ni sans motivation. En réalité, leurs origines peuvent être variées et complexes.
Reprenons depuis le début : d’où provient l’agressivité chez l’enfant ?
Durant la période de développement, la corticale préfrontale, c’est-à-dire la zone du cerveau qui joue un rôle clé dans la régulation des émotions et le contrôle des comportements, reste encore très immature. Cela explique que les jeunes enfants aient difficilement la maîtrise de leurs impulsions, qu’ils aient du mal à exprimer et à réguler efficacement leurs sentiments. Par conséquent, il peut arriver qu’un enfant, confronté à une émotion particulièrement forte qu’il ne sait pas gérer, finisse par évacuer sa frustration par des moyens physiques.
Dans ces cas, un état émotionnel de désinhibition est à l’origine de comportements agressifs. Toutefois, ce n’est pas la seule explication possible : d’autres causes sont tout aussi fréquentes, comme par exemple :
- une stimulation sensorielle excessive ;
- la douleur liée à la poussée dentaire ;
- les tentatives d’exploration sensorielle (souvent à l’origine des mordillements) ;
- l’autodéfense ;
- le désir de comprendre les mécanismes de cause à effet (« Si je fais ça, qu’est-ce qui se passe ? »).
Au-delà des causes spécifiques, il est essentiel de garder à l’esprit qu’un enfant agressif nous envoie un message : une situation lui échappe ou le dépasse, et il a besoin d’aide pour retrouver son équilibre. Rester calme demeure la meilleure réaction, car cela permet aussi à l’enfant de se calmer plus rapidement.
Enfants agressifs et enfants violents : sont-ils identiques ?
Les termes « violence » et « agressivité » désignent des choses très différentes. Pour parler de « violence », il faut impérativement qu’il y ait une volonté consciente de faire du mal ou de causer un désagrément à autrui. Selon le pédagogue Daniele Novara, cependant, il n’est pas possible de parler d’« intentionnalité de l’acte violent » chez un enfant de moins de 7 ans. Ainsi, on ne peut pas qualifier un jeune enfant de « violent » : ni la rancune profonde ni la violence ne sont présentes dans la première enfance. Jusqu’à environ 10 ans, les comportements réellement dangereux restent très rares.
Dans le cas où un enfant, par exemple à l’école, adopterait à plusieurs reprises des comportements repérés comme violents, il devient crucial que les adultes concernés analysent attentivement la situation. Comprendre les causes sous-jacentes des comportements d’un « enfant violent » (dynamismes familiaux dysfonctionnels, consommation inappropriée de médias, etc.) est essentiel pour concevoir et mettre en œuvre des interventions efficaces.
Enfants qui frappent
L’agressivité peut prendre diverses formes. Il peut s’agir par exemple d’un enfant « fougueux » qui frappe ses camarades ou, dans certains cas, d’enfants qui se frappent eux-mêmes.
Face à des enfants qui se livrent à des coups, il est primordial d’intervenir fermement pour mettre fin à ce comportement inapproprié. Une fois la situation stabilisée, plutôt que de punir ou de gronder, il faut se montrer comme un « allié », en accompagnant l’enfant vers une meilleure communication et en l’aidant à trouver des solutions positives et plus efficaces pour entrer en relation.
Dans le cas d’enfants qui se frappent eux-mêmes, l’intervention la plus efficace consiste à interrompre l’action, puis à aider l’enfant à retrouver son équilibre émotionnel par l’écoute et la proximité. En général, ces comportements tendent à disparaître naturellement avec le temps, à mesure que l’enfant acquiert de nouvelles compétences lui permettant de mieux réguler ses émotions et de maîtriser ses réactions sans se laisser submerger par la frustration.
Enfants agressifs à la maison et à l’école
Il arrive aussi que les enfants manifestent de l’agressivité envers leurs parents. Si un enfant est agressif avec sa mère ou son père, il est essentiel de ne pas négliger le rôle d’exemple que jouent les adultes. Si, face à une gifle, on répond par une autre gifle, une menace ou une réprimande violente, cela contribue à transmettre un message de violence. À long terme, cela augmente la probabilité que l’enfant devienne de plus en plus agressif.
Un enfant qui frappe sa mère n’agit pas par malveillance ou par méchanceté. Il le fait parce qu’il ne parvient pas à exprimer un besoin ou une émotion, et réagit donc de façon impulsive. Plutôt que de juger ou de punir, les parents devraient montrer de la fermeté tout en restant respectueux et présents. Mieux vaut interrompre le comportement agressif avec un « Non » clair et ferme.
Inutile de multiplier les explications longues que l’enfant, souvent, ne peut même pas suivre. Il faut lui faire comprendre que l’on comprend sa colère, mais que frapper fait mal à l’autre, et que cette conduite est inacceptable. Par exemple, on peut lui dire : « Je vois que tu es très en colère ! Mais si tu me tapes, ça me fait mal. Je ne peux pas te laisser faire ça. »
Au lieu de focaliser sur le comportement en soi (morsure, claque…), il est plus efficace de se concentrer sur ce que ce comportement peut cacher (une émotion ou un besoin). Il faut laisser la frustration de côté et expliquer à l’enfant qu’on comprend ses besoins, tout en lui montrant qu’il existe d’autres moyens, plus sains, pour les exprimer.
Il faut également souligner qu’il arrive que, par jeu, certains parents « pincent » ou donnent de petits morsures à leur enfant. Cela doit être à proscrire : même si c’est fait doucement ou pour rire, cela peut transmettre le message que ce genre de geste est tolérable.
Que faire, alors, si un enfant manifeste de l’agressivité à l’école maternelle ou à la crèche ? Il est fréquent de croiser des enfants agressifs dans ces structures : il y a peu de classes où l’on ne trouve au moins un « mordeur » ou un enfant qui tire les cheveux. Rien d’alarmant : à ce stade, l’agressivité est une étape normale du développement.
Comme mentionné, la maturation incomplète de la corticale préfrontale rend difficile pour l’enfant le contrôle de ses impulsions et la régulation de ses émotions ; face à une émotion forte (colère, jalousie, frustration…), il est compréhensible qu’il puisse agir violemment, mordre ou frapper un camarade.
Dans ces situations, il est conseillé d’agir en prenant soin à la fois de l’ « agressé » et de l’ « agresseur ». Après avoir vérifié que l’enfant mordu ou frappé se porte bien, il faut aussi soutenir celui qui a été à l’origine de l’agression : l’ignorer ou le punir risquerait de le conduire à se replier sur lui-même, alors que l’objectif est de poser clairement la limite entre comportements acceptables et inacceptables, tout en cherchant à comprendre ses motivations profondes. Ce n’est qu’ainsi qu’il pourra être aidé.
Et si l’enfant est violent à l’école primaire ?
En grandissant, les enfants acquièrent de nouvelles compétences cognitives, langagières, émotionnelles et sociales. Ils apprennent à mieux maîtriser leurs impulsions et à garder leur calme, privilégiant la communication verbale plutôt que la violence physique. Cependant, il peut arriver qu’un élève de l’école élémentaire présente encore des comportements agressifs. Que faire dans ce cas ?
À cet âge, il n’est pas toujours utile que l’adulte intervienne directement en punissant ou en étiquetant l’enfant. Comme le suggère Daniele Novara, les conflits ne sont pas, en soi, quelque chose de négatif. Si les enfants apprennent à « se disputer efficacement », ils développeront peu à peu des outils pour gérer les difficultés et les résoudre sans recourir à la violence.
Dans le cas où un élève serait fréquemment agressif en classe, le simple fait de le stigmatiser ou de le punir n’aide pas. Il est plutôt crucial que les éducateurs (parents et enseignants) collaborent pour analyser ensemble les différentes causes possibles du comportement. Des changements importants dans la vie familiale (arrivée d’un nouveau membre, séparation, deuil), des difficultés à créer des liens avec les copains ou un manque d’activités stimulantes dans le cadre éducatif peuvent inciter un enfant à manifester de l’agressivité. Observer l’enfant dans ses différents environnements est déterminant pour identifier ses besoins en soutien.
Stratégies éducatives
Les meilleures stratégies pour aider un enfant agressif sont celles qui lui permettent d’exprimer ses émotions et ses besoins sans pour autant blesser autrui. La clé réside dans l’identification des causes qui déclenchent ces comportements.
Par exemple, si l’on constate que l’agressivité survient surtout lors de périodes de transition ou de changement, il est efficace d’établir des routines rassurantes : recourir à des supports visuels, comme des cartes illustrées permettant à l’enfant de visualiser l’organisation de sa journée, peut lui apporter un sentiment de sécurité.
Si au contraire, la violence résulte d’une surcharge d’adrénaline, d’une excitation excessive ou d’une émotion difficile à exprimer verbalement, alors les activités sensori-motrices, comme manipuler de la pâte à modeler, du sable ou de l’argile, représentent une excellente solution. Elles procurent une stimulation sensorielle apaisante et permettent d’orienter de façon positive l’énergie de l’enfant, évitant ainsi qu’elle ne se transforme en agressivité ou en violence.
Lorsqu’on souhaite prévenir l’apparition de comportements agressifs, il est également essentiel de connaître la meilleure attitude à adopter en situation d’urgence. Pour cela, il faut :
- fixer clairement la limite avec amour mais fermeté, en stoppant immédiatement le comportement ;
- donner à l’enfant un temps pour se calmer, en lui offrant soutien, proximité affective et, si nécessaire, un contact physique rassurant ;
- l’aider à verbaliser l’émotion ou le besoin qui a provoqué son geste ;
- discuter avec lui de solutions alternatives pour résoudre le mal-être sans recourir à l’agressivité.
Il est également fondamental que les écoles et les familles coopèrent étroitement dans une dynamique de travail en équipe, afin que les interventions soient cohérentes et efficaces. Cela permettra à l’enfant de suivre un parcours cohérent, basé sur la reconnaissance et l’expression consciente de ses émotions et de ses besoins profonds. En développant cette capacité, il deviendra un adulte respectueux de lui-même et des autres, capable d’établir des relations saines et équilibrées avec son environnement.