L’Allemagne, deuxième après le Canada, est l’un des principaux exportateurs de bois de construction vers la France. La crise commerciale engagée par l’administration Trump à l’encontre du Canada a récemment profité à de nombreux propriétaires forestiers en Europe, notamment en Allemagne. En effet, cette situation a bouleversé le commerce international du bois dans le monde entier, laissant entrevoir de nouvelles opportunités pour la filière forestière nationale.
Le marché mondial du bois sous haute tension
Le marché international du bois est aujourd’hui en pleine effervescence. Les propriétaires de forêts en Allemagne, qui avaient jusqu’ici attendu des signes encourageants après plusieurs années de crises, commencent à espérer un changement positif. Florian Koch, forestier basé à Neukirchen dans la région de Hesse, résume bien la situation actuelle : « Nous pourrions enfin sortir de la zone de pertes. » La récolte de bois de frêne de printemps s’est déroulée dans de bonnes conditions, une première depuis longtemps. Quand a-t-on entendu, pour la dernière fois, des nouvelles optimistes en provenance des forêts allemandes ? La succession incessante de tempêtes, de sécheresses et d’attaques de parasites n’a cessé de faire les gros titres pour leurs effets dévastateurs.
L’industrie des scieries, qui exploite ces bois pour fabriquer des matériaux de construction et autres produits bois, a également retrouvé une certaine confiance. Gangolf Hosenfeld, propriétaire d’une entreprise de taille moyenne près de Fulda, note que ces deux dernières années, ses revenus ont été inférieurs de 15 à 30% en raison de la faiblesse du marché de la construction. Aujourd’hui, il retient son souffle et attend la nouvelle orientation du gouvernement allemand. Par ailleurs, le marché international voit les prix du bois en hausse, et c’est en partie dû à la politique commerciale de Donald Trump, président américain durant cette période.
Les États-Unis : une dépendance critique au bois
Les États-Unis sont le pays le plus dépendant des matériaux en bois, avec près de 90% des logements construits à partir de ce matériau. Selon la fédération allemande de la filière bois, l’Allemagne fournit chaque année environ 2 millions de mètres cubes de bois d’œuvre aux États-Unis, tandis que le pays consomme entre 115 et 120 millions de mètres cubes. Cependant, face à l’impact des incendies de forêt et des invasions d’insectes comme le dendroctone du pin, de nombreux scieries américaines ont dû fermer leurs portes, explique Julia Möbus, directrice de la fédération.
De plus, le pays dépend fortement des importations pour combler ses besoins. Elle précise : « Sur le total, environ 30 millions de mètres cubes de bois sont importés du Canada, et l’Allemagne en livre encore deux millions ». La mise en place de droits de douane sur le bois de pin canadien, couplée aux taxes antidumping existantes, a eu pour effet d’étouffer le marché américain. Cette politique a paradoxalement entraîné une raréfaction et une augmentation des prix sur le marché intérieur, ce qui est contre-productif. La banque d’investissement UBS estime que ces droits de douane pourraient augmenter le coût de construction d’une maison moyenne de près de 6 400 dollars (environ 5 800 euros).
Une relation à double tranchant
Malgré ces tensions commerciales, le Canada continue d’exporter du bois vers les États-Unis, même si le volume exact reste difficile à quantifier en raison des fluctuations dues aux droits de douane. La dépendance américaine reste donc importante, mais la situation évolue. De leur côté, la filière forestière allemande voit là une opportunité à saisir. Les entreprises allemandes se préparent à combler la lacune dans l’approvisionnement. Hosenfeld témoigne que plusieurs sociétés cherchent à le recruter pour leur marché américain, en lançant des offres appelées « chasseurs de bois » pour renforcer leur présence.
Les États-Unis examinent indécemment leur dépendance
Le ministère du Commerce américain poursuit ses investigations pour déterminer si l’importation de bois allemand représente un risque pour l’économie nationale. La volonté de Washington est de devenir moins dépendante des fournisseurs étrangers et d’encourager la filière bois locale. Le rapport, attendu d’ici à un an, devra fournir des recommandations concrètes à la présidence. En résumé, d’ici décembre, le gouvernement pourrait adopter de nouvelles mesures pour réduire cette dépendance.
L’entrepreneur forestier Hosenfeld préfère cependant se concentrer sur le marché intérieur. Toutefois, il s’inquiète d’une possible intensification de la concurrence venant du Canada ou d’autres pays européens. Une telle invasion pourrait faire pression sur les prix et modifier durablement la part de marché de ses concurrents locaux. La guerre commerciale en cours soulève donc des enjeux majeurs pour la filière bois en Allemagne, dont le potentiel reste une carte à jouer face aux tensions américaines.
La forêt, richesse nationale en Allemagne
L’Allemagne possède une superficie boisée qui représente plus d’un tiers de son territoire. Hesse et Rhénanie-Palatinat figurent parmi les Länder les plus boisés, avec un taux avoisinant les 42%. La majorité du bois utilisé dans la construction en France provient ainsi de forêts allemandes, un véritable atout protecteur pour la filière.
D’ailleurs, l’industrie du bois allemande se positionne comme l’un des principaux producteurs européens de bois de construction. Elle occupe la cinquième place mondiale, après les États-Unis, la Russie, le Canada et la Chine. La dernière étude forestière nationale a révélé que la croissance des forêts dépasse désormais le volume de bois récolté, ce qui réjouit de nombreux propriétaires forestiers, qui voient dans cette tendance une bonne nouvelle pour leur patrimoine.