Entrée à l’école anticipée : faut-il mettre son enfant en CP plus tôt ?

Entrer à l’école à cinq ans et demi, c’est-à-dire commencer l’école primaire à cinq ans et demi plutôt qu’à six, est une option envisageable. Mais est-ce la meilleure pour les enfants ?

L’entrée précoce à l’école a été envisagée en France comme une possible adaptation du parcours scolaire, selon les évaluations et les décisions des équipes éducatives. En pratique, l’entrée en cours préparatoire (CP) se fait généralement à six ans révolus, mais certaines situations peuvent conduire à envisager une entrée en CP à 5 ans et demi, sous réserve d’un avis favorable du corps enseignant et, le cas échéant, du médecin scolaire et d’autres spécialistes du développement.

Reste alors à comprendre si inscrire un enfant de cinq ans et demi à l’école primaire est le bon choix à faire.

Généralement, les éléments qui conduisent le parent à prendre cette décision tiennent au fait que l’enfant sait reconnaître les lettres ou sait déjà lire, qu’il est « éveillé », curieux, qu’il sait compter, qu’il parle facilement et semble « en avance » sur bien des sujets.

Mais les conditions qui permettent d’entrer plus tôt à l’école ont peu à voir avec ces aptitudes. Il est en revanche indispensable d’avoir acquis une certaine autonomie, un niveau d’attention et de concentration suffisants, une maturité cognitive et émotionnelle adéquates, et de savoir respecter les règles du groupe.

L’autonomie

Un enfant autonome est capable de ranger ses jouets, de se souvenir où il a rangé ses affaires, de s’attacher les chaussures seul, et d’être capable de découper des aliments avec un couteau et une fourchette. Il sait s’habiller et se déshabiller sans demander d’aide. Ce sont tous des éléments essentiels car à l’école il faudra enlever et remettre son manteau, changer de chaussures lors des séances d’éducation physique (avec un temps souvent court), rester assis pendant toute la durée des cours, prendre et protéger son matériel, préparer son sac et, surtout, ses mains devront être prêtes à écrire correctement. Il doit, en somme, faire preuve d’une autonomie suffisante.

Le niveau d’attention et de concentration

Un enfant qui a atteint un niveau adéquat d’attention et de concentration devrait être capable de commencer un jeu et de le mener à son terme sans l’abandonner après quelques instants; il devrait savoir jouer seul, inventer des histoires ou des situations sans solliciter sans cesse l’intervention d’un adulte; il devrait aussi participer à la gestion de la vie domestique, par exemple en préparant et en débarrassant la table.

Si l’enfant peut réaliser ces tâches, ou d’autres équivalentes, en autonomie, on peut estimer qu’il sera capable de rester concentré longtemps et, une fois assis à la table de classe, il pourra accomplir sans difficulté les activités qui lui seront confiées, qu’il s’agisse d’écouter une histoire, de colorier, de recopier sur le tableau ou de travailler avec les nombres.

La maturité cognitive

Un enfant qui sait raconter ce qui s’est passé hier ou l’été passé, qui remarque si l’on lui a donné un bonbon en trop ou en moins, qui distingue qui a la glace la plus grande et qui a la plus petite, qui est capable d’écouter une histoire puis de dessiner – de manière assez précise – le personnage qui l’a le plus marqué, possède sans doute les notions de base qui lui permettront d’apprendre à lire, à écrire et à compter sans difficulté.

La maturité émotionnelle

Si un enfant réagit aux refus en se plaignant, mais sans exploser, si le départ des parents n’est pas systématiquement vécu comme une tragédie, si face à la frustration d’un désir (par exemple : « Aujourd’hui il pleut et donc tu ne peux pas faire de vélo ») il trouve une alternative constructive, et s’il recommence après un échec pour faire mieux, alors l’enfant sera capable de relever l’engagement émotionnel requis par l’école.

Le respect des règles du groupe

Une classe, comme l’explique la psychologue Daniela Lucangeli, est un organisme vivant et chaque enfant qui en fait partie détermine le climat et la capacité du groupe à fonctionner, tant dans l’apprentissage que dans le jeu.

Il est donc clair qu’un enfant qui sait jouer avec les autres, qui sait partager et collaborer, qui respecte son tour, sera capable de s’intégrer dans la classe, de respecter les règles et d’apporter sa contribution afin que le groupe puisse apprendre sur les bancs de l’école.

Le groupe classe

Supposons maintenant qu’un enfant de cinq ans et demi possède toutes ces qualités : il est alors temps de décider s’il faut le faire entrer en CP anticipé ou non.

Deux autres éléments entrent toutefois en ligne de compte : le groupe classe et la perte d’une année d’expériences.

Certains de ses camarades auront en effet un an de plus que lui, ce qui signifie qu’ils auront une année d’expériences supplémentaires et une plus grande familiarité avec chaque domaine de l’apprentissage. Cela mérite d’être souligné car si notre enfant de cinq ans et demi se base sur le fait qu’il sait faire les choses et sur le fait qu’il est en avance par rapport à ses pairs, il peut tout à coup éprouver des difficultés par rapport aux autres et ne plus être « le plus doué ». Il ne s’agit bien sûr pas d’une règle universelle (le développement global d’un enfant dépend de nombreux facteurs, et pas uniquement de l’âge), mais cela demeure une éventualité.

Il convient donc de réfléchir à la question de savoir s’il faut placer l’enfant dans une situation qui pourrait lui demander un effort plus important que ce qui serait nécessaire dans une situation équivalente, mais reporté d’un an. Si l’enfant se voit imposer un effort excessif, il pourrait perdre son enthousiasme et sa motivation à apprendre, en le percevant comme trop difficile à surmonter.

Un an d’expériences en moins

L’entrée anticipée implique nécessairement une privation: l’enfant se voit privé d’une année entière de jeu, de découverte du monde et de maturation des compétences acquises. J’emploie l’expression « maturation des compétences » car c’est exactement ce qui se produit entre cinq et six ans et demi. Pendant cette période, les expériences vécues se transforment, s’initie une phase d’abstraction, et c’est comme si les enfants mélangeaient les éléments qu’ils ont vus, entendus, éprouvés et découverts et les transformaient par une réaction qui les amène à devenir des objets plus complexes, comme le pain ou le vin. Les enfants, à ce stade, comprennent les liens entre leurs expériences et se préparent à en créer de nouvelles.

Quelle décision, alors ?

Le conseil donné aux parents qui songeaient à choisir l’entrée anticipée est d’évaluer avec soin tous les éléments évoqués et d’en discuter avec les enseignants de l’école maternelle, avec le médecin scolaire et, le cas échéant, avec des spécialistes du développement et des pédagogues, afin d’obtenir une vision claire de la situation, au service du développement de l’enfant.

Article pensé et écrit par :
Avatar de Julie Ménard
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