Le regard percutant d’Afrique sur les États-Unis : analyse et perspectives

Les États-Unis souhaitent profondément revoir leurs relations économiques avec l’Afrique — une initiative qui pourrait avoir des conséquences importantes pour les pays du continent. Lors d’un sommet économique organisé à Luanda, la capitale angolaise, Washington a tenté d’éviter le pire dans cette collaboration.

Environ 1 500 délégués, selon les médias locaux, ont participé cette semaine au sommet économique entre les États-Unis et l’Afrique à Luanda. Leur objectif : entretenir les liens, établir des accords, ou renforcer des partenariats. Depuis l’ère de Donald Trump, ces relations économiques se sont affaiblies, explique T.K. Pooe, spécialiste en économie à l’université WITS de Johannesburg.

Selon lui, « Les investissements américains en Afrique ont été quasi inexistants ces cinq ou dix dernières années. Et ce, quel que soit l’appartenance politique du président américain en place. » Il ajoute : « Les présidents américains, quelle que soit leur majorité, ont considéré l’Afrique comme une zone d’intérêt marginal. »

Les ambassadeurs américains pourraient jouer un rôle clé dans la promotion des échanges commerciaux

En réalité, le président Joe Biden n’a effectué qu’une seule visite en Afrique depuis le début de son mandat. Pourtant, pour T.K. Pooe, les États-Unis restent toujours l’un des partenaires commerciaux et investisseurs les plus importants pour le continent. Selon lui, l’objectif est de continuer sur cette lancée, et Troy Fitrell, représentant américain lors du sommet, souhaite développer encore cet engagement économique.

Les autres délégations envoyées par Washington étaient de rang modeste. Contrairement à d’autres rencontres internationales, peu de hauts responsables américains étaient présents. Dorénavant, ce seront les ambassadeurs américains qui auront pour mission de renforcer la coopération économique, a expliqué Troy Fitrell lors de son discours. Amis du secteur privé, il leur a lancé : « Nos missions diplomatiques travaillent pour vous. Les incitations ont été modifiées. C’est désormais leur priorité fondamentale, et c’est sur cette base que nous évaluons leur soutien. »

Ce concept, qu’il nomme « diplomatie commerciale » (ou « Business diplomacy »), semble particulièrement bien résonner auprès des chefs d’État et de gouvernement africains présents à Luanda. Pour eux, ce sommet représente une opportunité cruciale pour nouer des contacts, clarifier les enjeux, et explorer le potentiel du marché africain — notamment ses vastes réserves de matières premières, expliquent les analystes économiques comme T.K. Pooe, basé à Johannesburg.

Une loi essentielle aux États-Unis est sur le point d’expirer

Cependant, certains sujets cruciaux restent encore flous dans cette dynamique : notamment la législation américaine connue sous le nom d’AGOA (African Growth and Opportunity Act) et l’éventuelle relance des taxes douanières annoncée par Donald Trump. Il y a plus de vingt-cinq ans, le Congrès américain a adopté AGOA afin de favoriser un meilleur partenariat économique avec l’Afrique subsaharienne. Ce dispositif permet à certains pays de la région d’exporter une sélection de biens vers les États-Unis, en étant exemptés de droits de douane.

Mais, cette année, AGOA arrive à expiration. La fin du dispositif inquiète les investisseurs, en particulier dans des pays comme le Lesotho, en Afrique australe, indique T.K. Pooe. « Des entrepreneurs chinois avaient investi à Lesotho en fabriquant notamment des vêtements, en profitant des avantages liés à AGOA pour exporter vers les États-Unis. Maintenant qu’il n’y a plus de certitude sur la prolongation du programme, ils hésitent à continuer ou à étendre leur présence. »

Des demandes de renouvellement ont été formulées. Le ministre de l’Industrie et du Commerce de Mozambique, Basilio Muhate, a notamment sollicité une extension de dix ans, à l’image de représentants namibiens qui ont aussi plaidé pour une prolongation lors du sommet angolais.

De nombreux emplois menacés par les taxes américaines

L’autre sujet de préoccupation concerne la taxe sur les importations annoncée par Donald Trump, applicable à de nombreux produits en provenance d’Afrique. Ces taxes, partiellement suspendues jusqu’au début du mois de juillet, risquent toutefois d’être réinstaurées, avec des conséquences graves pour plusieurs pays africains. Par exemple, Madagascar pourrait voir ses exportations taxées à 47 %. D’autres pays, comme Maurice, Botswana ou Lesotho, risqueraient respectivement 40 %, 37 % et même 50 % de droits de douane. Les grandes nations comme l’Afrique du Sud ou l’Algérie seraient également concernées, avec des taxes d’environ 30 %.

La reprise de ces taxes pourrait entraîner la suppression de nombreux postes, notamment dans des secteurs clés comme l’industrie du textile au Lesotho, qui constitue une composante vitale de l’économie locale. Les gouvernements concernés attendent avec inquiétude la date du 9 juillet, date à laquelle la majorité de ces sanctions douanières pourraient redevenir effectives. La décision finale n’est pas encore connue, et l’incertitude demeure quant à leur application concrète.

Les Africains espèrent toujours que les relations avec les États-Unis évolueront favorablement, en misant sur la poursuite du dialogue et la consolidation de leur image de partenaires faibles, mais fiables, dans la compétition mondiale pour l’attraction des investissements et des ressources. La Chine, qui a déjà fortement investi dans l’infrastructure africaine depuis plusieurs années, est une source d’inspiration pour beaucoup. Selon T.K. Pooe, « La stratégie chinoise consiste à renforcer les réseaux de transport, d’énergie et d’accès à l’eau, pour rendre l’Afrique plus attractive pour ses investisseurs. » La France pourrait également jouer un rôle dans cette dynamique en renforçant ses liens avec ses anciennes colonies, mais aussi en encourageant le développement de ses propres investissements sur le continent.

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