La promesse d’une plus grande efficacité s’est faite entendre dans les années 1980, lorsque les services d’eau en Angleterre et au Pays de Galles ont été privatisés. Aujourd’hui, la plus grande entreprise, Thames Water, fait face à la faillite.
Ce que le ministre britannique de l’Environnement, Steve Reed, a annoncé vendredi dernier marque un véritable tournant : plus de primes pour les dirigeants des différentes compagnies de distribution d’eau. Au cours des dernières années, les PDG de ces sociétés se sont versé des bonus dépassant les 120 millions d’euros, a précisé Reed.
Et ce, alors même que d’importantes eaux usées non traitées ont été déversées dans des lacs, des rivières ou en mer. Il a également déclaré : « L’époque où la pollution était une source de profit est révolue. » Un changement de cap radical – mais pas si simple à mettre en œuvre.
Déversement d’eaux usées non traitées
Ce problème concerne au total six compagnies de distribution d’eau en Angleterre. Ces sociétés ont notamment été épinglées pour non-respect des normes environnementales. La nouveauté réside dans le fait que l’autorité de régulation OFWAT peut désormais suspendre ces primes, grâce à une loi adoptée en février par le Parlement britannique, permettant d’interdire ces versements de bonus.
Cette décision intervient après plusieurs amendes infligées pour non-respect de standards environnementaux et de protection des consommateurs. En Grande-Bretagne, de nombreux rapports ont révélé que des compagnies déversaient des eaux usées non traitées dans les rivières, lacs ou en mer. Les nageurs de plein air se plaignent fréquemment de troubles digestifs, et les écoles de surf doivent parfois annuler leurs sessions.
L’initiative d’un ancien athlète de haut niveau
L’ancien sportif Steve Redgrave, quintuple champion olympique de rame, a lancé une campagne pour récolter des signatures en faveur d’un environnement plus propre. Aujourd’hui âgé de 63 ans et à la retraite, il s’engage pour la préservation des eaux, notamment des lacs et rivières. Selon lui, la qualité de l’eau au Royaume-Uni s’est considérablement dégradée ces dernières années. Dans les années 1970, il lui était déjà arrivé de sauter dans la Tamise après une séance d’entraînement. Ce n’est plus possible aujourd’hui.
Même si les primes pour les années 2024 et 2025 ne peuvent plus être versées pour l’instant, il reste encore beaucoup à faire : la majorité des compagnies ont investi bien trop peu dans leur réseau de distribution et dans les stations d’épuration durant des décennies. Cette situation est en partie liée à la privatisation des services et à l’efficacité limitée de la régulation.
De la privatisation à la faillite ?
Beaucoup de citoyens au Royaume-Uni ne comprennent pas comment, face à tout cela, les entreprises ont pu distribuer des dividendes si importants. Depuis la privatisation, à la fin des années 1980, ces versements ont atteint, selon l’université de Greenwich, environ 100 milliards d’euros. Ces fonds ont principalement été versés aux propriétaires des sociétés, notamment des investisseurs institutionnels comme des fonds de pension, certains venant du Canada.
Et ce sont ces investisseurs que le gouvernement doit également satisfaire. Thames Water, le plus grand fournisseur, est lourdement endetté, avec près de 25 milliards d’euros de dettes, et est au bord de la faillite. La société a besoin d’un investisseur pour éviter sa cessation d’activité, mais un récent accord a échoué lorsque le fonds d’investissement KKR a décidé de se retirer des négociations.
Autorité de régulation comme risque d’investissement ?
Une des raisons possibles est que la fermeté accrue de l’autorité de régulation pourrait en fait devenir un nouveau risque pour les investisseurs. C’est en tout cas ce que suggère une déclaration du directeur de Thames Water, Chris Weston. Lors d’une audition au Parlement en mai, il a déclaré que les investisseurs devaient être assurés de pouvoir faire une plus-value sur leur investissement. C’est la seule façon de convaincre suffisamment de capitaux de soutenir la société et d’éviter sa faillite.
Les amendes pour non-respect des normes, les interdictions de primes : ces éléments créent une incertitude qui inquiète les investisseurs souhaitant maximiser leur rendement. Selon certains experts et membres de l’opposition, la solution la plus cohérente serait de nationaliser à nouveau ces compagnies. Cependant, la majorité travailliste en place, pour le moment, ne peut pas se le permettre financièrement.