En général, il est fréquent de ressentir que les services éducatifs et les écoles ne constituent pas une véritable priorité dans l’agenda politique, et que, plus particulièrement, les besoins des plus jeunes ne sont pas suffisamment pris en compte. Cette situation soulève de nombreuses interrogations sur l’engagement réel des gouvernements à garantir un système éducatif solide, inclusif et adapté aux exigences de chacun.
Journée mondiale des enseignants : une reconnaissance essentielle
Le 5 octobre marque la Journée mondiale des enseignants, une initiative lancée par les Nations Unies pour rappeler l’importance cruciale de ces acteurs éducatifs dans la société. Cette journée a été instaurée à la suite de la signature des «Recommandations de l’UNESCO sur le statut des enseignants», un document fondamental qui met en avant le rôle central que jouent ces professionnels dans le développement des enfants et des adolescents tout au long de leur parcours scolaire.
Endosser la fonction d’enseignant, comme le sait bien celui qui écrit ces lignes par expérience, représente une responsabilité immense. Cela nécessite une grande capacité d’adaptation face à des situations souvent imprévisibles, ce que la pandémie de COVID-19 a encore une fois mis en lumière. Si des mesures efficaces avaient été prises à temps pour soutenir le système éducatif dans son ensemble, y compris la gestion de ces crises, l’impact aurait pu être atténué. Certes, la gestion des situations d’urgence aurait pu être améliorée, mais il est clair que tout le système devait bénéficier d’un accompagnement global, dont les enseignants ne constituent qu’une partie. Il ne faut pourtant pas oublier qu’ils jouent un rôle capital dans la construction de la société de demain.
L’importance des espaces éducatifs essentiels
Les enfants ont un besoin impérieux d’écoles où leur soient dispensés un enseignement de qualité, respectueux de leurs besoins individuels et de leurs spécificités. Il est essentiel de souligner que cette exigence ne concerne pas uniquement les écoles de l’obligation ou celles pour les enfants plus âgés. La véritable importance réside aussi dans la qualité des espaces éducatifs consacrés aux premières années de vie, comme les crèches et les écoles maternelles.
Comme la pédagogie l’a maintes fois démontré, en s’appuyant sur les données de la recherche, la contribution d’activités éducatives structurées, notamment dans les crèches, revêt une importance considérable pour le développement des jeunes enfants. À cet âge, les expériences sensorielles jouent un rôle clé dans leur évolution. Ces activités ne se limitent pas seulement à l’apprentissage, mais incluent aussi le partage d’expériences et d’espaces avec d’autres enfants, favorisant ainsi le développement des compétences sociales et langagières. La nécessité de communiquer avec ses pairs, de coopérer, d’apprendre à résoudre des conflits ou à faire preuve d’empathie, sont autant d’aspects fondamentaux que la psychologie du développement et la pédagogie ont soulignés depuis longtemps.
Au-delà de leur fonction éducative directe auprès des tout-petits, des études spécifiques ont aussi montré que ces structures jouent un rôle clé dans la lutte contre les inégalités sociales et la pauvreté [1].
C’est précisément pour cette raison qu’en 2002, le Conseil européen de Barcelone a fixé l’objectif d’atteindre, d’ici 2010, une offre de places en crèche représentant 33 % de la population potentiellement concernée dans toute l’Union européenne. Cependant, la France, bien qu’ayant fait des progrès, reste encore éloignée de cet objectif. Certaines zones, notamment celles économiquement plus dynamiques et urbanisées, s’en rapprochent, tandis que d’autres zones rurales ou en difficulté économique sont très loin d’y parvenir. Cette disparité peut compromettre la valeur sociale de ces institutions, qui devraient être un levier d’égalité sociale.
Le défi est encore plus grand lorsque l’on considère les coûts élevés que représentent souvent les crèches. Les familles, en particulier celles qui subissent de plein fouet la crise économique — avec la détérioration du pouvoir d’achat et la flambée des prix dans de nombreux secteurs — peinent à supporter ces dépenses. Les « allocations pour la garde d’enfants » ou autres aides financières existent, mais elles restent insuffisantes pour couvrir l’ensemble des coûts, notamment dans les zones où l’offre de places est nettement inférieure à la demande, ce qui empêche beaucoup de familles d’accéder à ces services essentiels.
Pénurie d’enseignants et risques de fermeture par les coûts
Il règne souvent cette impression, surtout à l’approche de la rentrée, que les services éducatifs et les écoles ne constituent pas une priorité politique. Pourtant, la rentrée scolaire est habituellement accompagnée de la promesse : «l’année prochaine, pas de pénurie de personnel, tous les enseignants seront en poste». L’objectif affiché est de rassurer quant à la lancement des activités, en affirmant que les mesures nécessaires seront prises pour garantir la sécurité et la stabilité des établissements [2], notamment par la réparation ou la rénovation des bâtiments, ainsi que par des actions pour améliorer leur hygiène, un aspect souligné durant la crise sanitaire, ou encore par des investissements dans l’efficacité énergétique.
Malheureusement, la réalité du début d’année est souvent bien différente. L’année dernière, par exemple, des syndicats et des acteurs du secteur ont exprimé leur inquiétude face à une situation préoccupante, à savoir un déficit d’enseignants pouvant atteindre 150 000 à 200 000 postes [3]. La cause principale réside dans la complexité et la lenteur des procédures de recrutement et de concours publics. Même si la majorité des postes en maternelle et en école primaire a été pourvue, une part importante des postes reste vacante. Cette situation s’aggrave avec la gestion compliquée des remplacements, ainsi que la réduction du personnel dédié à la gestion de la crise sanitaire (le dispositif dit « personnel Covid »), qui avait permis de pallier certaines lacunes importantes dans le système éducatif.
Plus récemment, une fédération représentant les écoles maternelles privées sous contrat a lancé un avertissement alarmant. En effet, l’augmentation des coûts de fonctionnement, notamment des factures d’énergie, pourrait obliger de nombreuses écoles à fermer dès le début de l’année prochaine si aucune aide supplémentaire n’est apportée. Une demande d’amendement dans le cadre du décret « soutien bis » a été formulée pour inclure ces structures dans les mesures d’aide, mais elle est restée sans réponse. Cela met en danger la pérennité de ces établissements, qui jouent un rôle essentiel pour beaucoup de familles, tout en risquant de faire peser une charge financière supplémentaire sur les familles elles-mêmes, déjà fragilisées.
Le Plan national de relance (PNR) peut-il changer la donne ?
Dans un contexte marqué par de nombreuses difficultés, qui touchent l’ensemble des établissements scolaires, publics comme privés, sur tout le territoire français, il est légitime de se demander : que peut-on attendre des fonds issus du Plan national de relance et de résilience (PNR) destiné à la rénovation et au développement des services éducatifs ?
Ce dispositif prévoit notamment de financer des projets « initiés par les acteurs locaux », comme la construction ou la rénovation de crèches et d’écoles maternelles, pour pallier les carences graves mentionnées plus haut. Cependant, à l’heure actuelle, les demandes de financement dans les zones où les besoins sont criants sont nettement en dessous des attentes, ce qui soulève des inquiétudes. La difficulté principale réside dans la perception que les collectivités locales, face aux coûts importants de ces projets, pourraient être découragées ou peu enclines à s’engager. La complexité administrative ou encore le manque de personnel qualifié pour mener à bien ces projets compliquent davantage la situation.
Une autre alternative envisageable serait de concentrer les efforts sur la rénovation et l’optimisation des structures existantes plutôt que d’en construire de nouvelles, surtout dans des territoires où la demande pourrait être satisfaite par un meilleur entretien des établissements déjà en place. Cependant, cette approche nécessite une planification adaptée et une analyse précise des besoins, afin d’éviter les gaspillages et de garantir que les investissements profitent réellement aux zones qui en ont le plus besoin.
Enfin, un vrai défi demeure : la pénurie de personnel spécialisé dans la gestion de ces projets, cette carence étant constatée dans plusieurs collectivités. Tandis que ces obstacles organisationnels et bureaucratiques persistent, la réalité demeure la même : le droit fondamental des enfants à bénéficier d’une éducation de qualité continue d’être mis à mal, faute de moyens suffisants et d’un engagement politique réellement déterminé à faire de l’éducation une priorité nationale.