Mon fils est très obéissant, il ne se dispute pas avec ses frères, il mange tout, il se brosse les dents sans discuter, il ne fait pas de caprices… mais ce n’est qu’un fantasme.
En tant que parents, nous avons parfois du mal à tolérer certains comportements de nos enfants: il y a des moments où nous n’arrivons pas à les comprendre et d’autres fois où nous éprouvons un sentiment d’impuissance. Selon l’âge, les enfants ont des besoins différents et nous les percevons à travers leurs comportements. Quand, à l’énième demande, notre enfant répond de nouveau par un « non », accompagné de crises et de hurlements, c’est le début d’une nouvelle phase : il grandit, il devient une personne. C’est précisément par l’opposition que l’enfant expérimente un sens du moi séparé et distinct des autres, et la contestation sert cette identité qu’il cherche à construire avec difficulté. Ce processus est guidé par un mécanisme inconscient : il ne s’agit donc pas d’un acte intentionnel, c’est l’instinct qui guide ses comportements.
Donner un nom aux émotions
Le cerveau des êtres humains est celui qui met le plus de temps à atteindre sa maturation complète (dans les premières 3–4 années de vie, il atteint environ les deux tiers de ses dimensions définitives), mais sa croissance dans ses différentes zones n’a pas un rythme constant. L’amygdale, par exemple, notre « sentinelle émotionnelle » (c’est-à-dire la structure cérébrale qui gère les émotions et notamment la peur), à la naissance est déjà proche de son développement complet, alors que les lobes frontaux, importants pour la régulation des impulsions (donc pour l’autocontrôle), continuent à se développer jusqu’à la fin de l’adolescence. Cette prémisse explique pourquoi, durant les premières années, l’enfant n’est pas capable de gérer ce qu’il ressent et de nommer ses émotions, avec pour conséquence qu’il est souvent submergé. Il perçoit, c’est-à-dire, qu’il vit comme protagoniste incontesté dans une dimension de pensée magique et égocentrique où tout est possible. Et voici que : il ne veut pas sortir de la voiture une fois arrivé à destination; il refuse de traverser la rue au feu vert; il remplit le chariot du supermarché de tout ce qu’il peut, malgré vos avertissements; il ne veut pas manger un plat qui, jusqu’à hier, était son préféré; il ne veut pas porter le T-shirt propre parce qu’il réclame son préféré, qui pourtant est en machine à laver.
Phase oppositionnelle : que faire ?
Lorsque nous nous retrouvons face à une phase oppositionnelle marquée de la part de l’enfant, notre réaction instinctive est de répondre par le tac au tac et d’imposer notre volonté. Ce faisant toutefois, nous risquons de nous retrouver enfermés dans une dynamique de pouvoir, qui nourrit des émotions de colère des deux côtés. Mieux vaut donc essayer d’évaluer ce qu’il faut faire en fonction du contexte. Dans des situations de danger potentiel, suivons le bon sens et intervenons de manière autoritaire, c’est‑à‑dire en garantissant des limites, sans les imposer de façon brutale; une fois le calme rétabli, nous donnerons une explication. Dans des situations ordinaires du quotidien, nous pouvons plutôt nous poser des questions, par exemple : est‑ce si important que notre enfant fasse exactement à ce moment précis ce que nous lui demandons ou pouvons‑nous, au contraire, lui permettre (et nous permettre) de reporter ou de ne pas satisfaire notre demande ?
Comprendre et verbaliser les émotions
Quand le « non » est vécu comme une offense personnelle, nous sommes moins tolérants et moins enclins à écouter, car nous avons le sentiment que notre rôle est en danger. Mais si nous nous sentons pris en train de nous moquer ou manipulés, c’est probablement parce que nos points faibles ont été touchés. Dans ces cas, souvenons‑nous toujours que pour nos enfants nous sommes le repère : ils nous admirent, nous imitent dans nos comportements et ont besoin de notre approbation; souvent les enfants n’ont pas réellement besoin que leurs désirs soient satisfaits, ils veulent simplement que nous les reconnaissions et les respections, et que leurs émotions soient comprises et verbalisées.
La colère, un sentiment à exprimer
Lorsque leurs demandes ne peuvent être satisfaites, notre tâche est de comprendre leur colère, de l’accueillir et de restituer un message qui leur soit compréhensible : s’ils se sentent pris en compte, leur crise de colère durera au maximum quelques minutes. Faisons donc preuve de patience et rappelons-nous que ce n’est qu’en exprimant librement leur colère que l’on peut parvenir à accepter le renoncement et la frustration qui en découlent ; une condition valable aussi pour nous, adultes. Mais peut‑être est‑ce justement parce que nous n’écoutons pas suffisamment nos émotions les plus profondes et authentiques que nous avons plus de mal à nous synchroniser avec celles des autres, y compris celles des enfants.