Les origines de la mémoire infantile : comprendre comment se développe la mémoire chez les enfants

Découvrons les différentes étapes du développement qui mènent à la naissance et à la consolidation de la mémoire, depuis l’“habituation” jusqu’à la capacité de se remémorer.

Les premières formes de mémoire

Quelle est la capacité d’un nourrisson à créer ces schémas perceptifs essentiels pour distinguer un visage familier d’un autre, une voix ou une situation d’une autre ? Cette aptitude, si cruciale pour l’établissement des premiers liens affectifs, ne dépend pas uniquement de la maturation des canaux sensoriels (auditifs, visuels, etc.) : il est également indispensable que l’enfant puisse enregistrer une expérience, la reconnaître, puis la comparer à d’autres expériences similaires. Ce sont des capacités qui relèvent de la mémoire et de l’apprentissage, dont la forme la plus simple et la plus fondamentale est l’“habituation” (également appelée assuétude), permettant, dès les premiers jours de vie, de cesser de réagir à quelque chose de déjà connu. C’est à travers le développement de différentes compétences en matière de mémoire que le nourrisson peut former des schémas complexes. Toutefois, la mémoire n’est pas un phénomène uniforme, même si on emploie un seul terme pour la définir : se souvenir peut désigner, selon le contexte, la reconnaissance, la remémoration ou la confrontation des informations nouvelles avec celles qui existent déjà dans la mémoire.

Au fil du temps, la mémoire s’anime

La notion cruciale de la durée dans le processus de remémoration est particulièrement apparente chez les bébés entre 8 et 12 mois. De nombreux tests réalisés avec des enfants de cet âge illustrent ce point : dans un scénario, on cache un objet attrayant sous l’un de deux tissus différents, puis on laisse l’enfant chercher après un délai variable compris entre 1 et 7 secondes. En observant des groupes d’enfants à intervalles réguliers chaque mois, il est évident que leur capacité à se rappeler de l’endroit où a été dissimulé le jouet s’améliore considérablement au fur et à mesure de leur croissance. Par exemple, à 8 mois, tous ces jeunes enfants sont incapables de se souvenir d’un tel détail après seulement un délai d’une seconde. À un an, ils retrouvent le jouet après 3 secondes, et la majorité parvient à le faire même après 7 secondes. À 18 mois, les erreurs sont quasiment inexistantes même après une attente de 10 secondes, comme l’a démontré une étude menée par le célèbre psychologue Jerome Kaga.

Comparer des schémas différents

La capacité à se souvenir d’une expérience passée pour la comparer à une nouvelle réalité, autrement dit à confronter différents schémas, apparaît vers 11-12 mois. Imaginons que l’on dispose d’un miroir reflétant l’image d’un objet, et que l’enfant ait la possibilité de toucher l’objet dans le miroir, ainsi que, séparément, un autre objet différent. On constate que, alors qu’un enfant de 8 mois ne manifeste aucune surprise face à ces deux objets, les plus grands seront déconcertés si l’objet touché ne correspond pas à celui qu’ils ont vu dans le miroir. Pour être surpris, il faut que le petit ait la capacité de comparer les informations reçues par ses deux sens. En d’autres termes, cela indique que l’enfant peut déjà effectuer un premier travail d’analyse et de confrontation de ses perceptions.

La capacité de remémorer et les premières peurs

La faculté de rappeler et de maintenir un schéma en mémoire s’appelle la “mémoire de remémoration”. Elle un aspect de la mémoire à long terme permettant de relier un phénomène récent à une expérience précédente. C’est cette capacité qui permet d’originiser certaines peurs universelles qui apparaissent généralement vers la fin de la première année : la peur des étrangers et la peur de se séparer des figures parentales. Lorsqu’un enfant de 9 mois rencontre une personne inconnue, il examine son visage, puis active automatiquement la mémoire des visages connus, la compare avec le nouveau schéma et, constatant une différence, ressent une incertitude ou une appréhension. Cela peut mener à des pleurs ou à un retrait craintif, comme s’il cherchait la protection rassurante de ses parents. Ces réactions n’étaient pas présentes auparavant, car l’enfant ne disposait pas encore d’une mémoire à long terme.

Grâce à ces expériences et à d’autres, les psychologues en sont venus à la conclusion que, au bout de quelques mois, le bébé évolue de la simple reconnaissance d’un fait expérimenté il y a peu vers la capacité de rappeler des sensations et des réalités liées à un passé plus éloigné. La constance de cette évolution chez tous les enfants, plus ou moins au même âge, laisse penser que ces compétences découlent de transformations structurelles intervenant dans le système nerveux central, notamment au niveau de l’hippocampe, cette zone du cerveau chargée de relier différents aspects d’un souvenir (visuels, auditifs, tactiles…) , ainsi que dans la cortex frontal, qui joue un rôle essentiel dans la mémoire de remémoration.

Article pensé et écrit par :
Avatar de Julie Ménard
Laisser un commentaire

trois + 9 =