Picacisme : définition et différences avec d’autres troubles des conduites alimentaires
Le terme « picacisme » trouve ses origines dans la langue latine. En effet, le mot « pica » désigne la pie, un oiseau connu pour sa tendance à voler et à ingérer toutes sortes d’objets à portée de bec (Iorio et al., 2014). Cette expression illustre la propension de ce trouble à la consommation de substances non comestibles, souvent de façon persistante.
Le picacisme est un trouble du comportement alimentaire caractérisé par :
« L’ingestion non occasionnelle, durant une période d’au moins un mois, de substances non nutritives (tissu, sable, terre, etc.), apparaissant à une âge où ce comportement aurait dû disparaître, notamment chez le très jeune enfant qui porte tout à sa bouche » (Fagiani, 2009, pp.122-123).
Le DSM-5-TR (APA, 2023) précise que, pour poser ce diagnostic, le comportement ne doit pas faire partie d’un rituel social ou culturel acceptée. Lorsqu’il est associé à un autre trouble mental ou à une condition médicale, il doit être suffisamment grave pour nécessiter une attention clinique particulière.
Il est important de différencier le picacisme d’autres troubles, tels que :
- l’anorexie nerveuse : où l’ingestion de substances non nutritives, comme des mouchoirs en papier, peut être une manière de réduire l’appétit. Dans ce cas, le diagnostic évoquera plutôt une anorexie nerveuse
- le trouble factice : où les objets sont ingérés pour provoquer des symptômes physiques dans un but de simulation ou de falsification
- les troubles de la personnalité : où des comportements auto-destructeurs, sans intention suicidaire, incluent parfois l’ingestion d’objets
Le picacisme peut aussi coexister avec d’autres pathologies, telles que :
- le trouble du spectre autistique
- la déficience intellectuelle
- la sclérose en plaques mentale
- la trichotillomanie et le trouble de la dermatillomanie : où l’individu arrache ses cheveux ou sa peau, puis ingère ces fragments
- le trouble obsessionnel compulsif
Picacisme et trouble de la rumination
Le picacisme se distingue d’un autre trouble, connu sous le nom de trouble de la rumination. Dans cette condition, une personne régurgite de façon répétée son alimentation (pendant au moins un mois), sans qu’une cause médicale spécifique ou un autre trouble de l’alimentation, comme l’anorexie, la boulimie ou l’hyperphagie, ne soit identifiable. La nourriture régurgitée peut être mastiquée à nouveau, avalée ou crachée.
Origines psychologiques et médicales du picacisme
Le picacisme peut résulter de multiples causes, qu’elles soient de nature médicale ou psychologique.
Par exemple, le lien entre picacisme et anémie a souvent été mis en évidence. Plusieurs études ont démontré que le traitement de l’anémie permettait de réduire ou d’éliminer les comportements liés à l’ingestion de substances non alimentaires (Johnson et al., 1982 ; Shapiro et al., 1985).
Concernant les causes psychologiques, on retrouve notamment :
- le stress psychosocial
- les traumatismes
- la déprivation
Dans certains contextes culturels, l’ingestion de terre ou d’autres matériaux fait partie de rituels ou de pratiques socialement acceptés. Par exemple, chez certains peuples autochtones en Australie, consommer de l’argile est une tradition pour favoriser la fertilité ou assurer la protection de la grossesse (Iorio et al., 2014). Dans ces situations, il ne s’agit pas d’un trouble, mais d’une pratique culturelle reconnue.
Les symptômes du picacisme
La caractéristique principale de ce trouble du comportement alimentaire est l’ingestion répétée de substances non alimentaires durant une période inappropriée par rapport à l’âge du sujet.
Le DSM-5-TR stipule qu’un âge minimum de 2 ans doit être considéré pour différencier ce trouble du comportement normal de mise en bouche, propre à la petite enfance.
Mais qu’est-ce que mangent ceux qui souffrent de picacisme ? Les objets non comestibles avalés peuvent varier selon l’âge et inclure :
- papier
- savon
- tissu
- cheveux
- craie
- vernis
- métal
- gomme
Ces personnes ne montrent pas d’aversion pour la nourriture et consultent souvent en urgence pour des complications telles que des obstructions intestinales ou des intoxications dues aux substances ingérées. Même si l’apparition du comportement est plus fréquente chez le jeune enfant, il peut aussi se produire à l’adolescence ou à l’âge adulte.
Picacisme et autisme
Parmi les neurodiversités associées au picacisme, on trouve notamment les troubles du spectre autistique et le déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH). L’ingestion de substances non nutritives fait partie des comportements problématiques que l’on observe aussi bien chez les personnes avec déficience intellectuelle que chez celles présentant des troubles neurodéveloppementaux comme l’autisme (Ianes & Cramerotti, 2003).
Une étude révèle que le picacisme est présent chez 23,2 % des 1426 personnes atteintes d’autisme dans un échantillon choisi (Fields et al., 2021). La prévalence dans un autre échantillon de 1578 sujets, représentant la population générale, est de 3,5 %.
Conséquences de l’allotriofagie
L’ingestion de substances non alimentaires peut entraîner de graves complications pour la santé des individus concernés :
- empoisonnements
- occlusions intestinales
- infections parasitaires
- dégâts dentaires
- décès dans les cas extrêmes
Sur le plan psychologique, les sujets atteints de picacisme peuvent également présenter des symptômes de dépression ou d’anxiété.
Le diagnostic du picacisme
Dans certains cas, le diagnostic repose sur des examens complémentaires, tels que :
- radiographies
- échographies
Ces examens permettent de détecter d’éventuelles occlusions ou intoxications. Des analyses sanguines peuvent également révéler une exotoxicité liée à l’ingestion de substances toxiques ou non digestibles.
Un dépistage approfondi est essentiel chez les personnes présentant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre autistique, car le picacisme est fréquemment associé à ces pathologies.
Chez les enfants de moins de 24 mois, il est souvent difficile de diagnostiquer ce trouble étant donné que porter à la bouche divers objets est une étape normale du développement. Toutefois, la survenue de comportements persistants d’ingestion de terre, sable, papier ou autres matériaux doit inciter à consulter un professionnel si ces conduites perdurent ou s’intensifient lors du jeu.
Prise en charge et traitement du picacisme
Comment traiter le picacisme ?
La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) constitue une approche efficace pour modifier les schémas de pensée et de comportement liés à ces conduites problématiques, tout en aidant à gérer les symptômes.
Une thérapie médicamenteuse, strictement supervisée par un médecin, peut aussi être envisagée. Elle peut inclure des antidépresseurs ou des anxiolytiques. Si une carence en fer ou en zinc est identifiée, des compléments adaptés peuvent également être prescrit.
Les diététiciens et nutritionnistes jouent un rôle clé en promouvant une alimentation équilibrée, visant à corriger toute carence en minéraux fondamentaux.
La prévention primaire consiste à repérer et surveiller les personnes à risque, tandis que la prévention secondaire vise à limiter l’accès aux substances dangereuses susceptibles d’être ingérées.
Dans toutes ces phases, un soutien psychologique apporté par un professionnel, y compris en visioconférence, peut apporter un accompagnement essentiel, une psychoéducation adaptée, et permettre une meilleure compréhension du trouble pour le sujet et son entourage familial.