Nous ne savons pas quel est votre rapport avec l’odeur des pieds transpirants, mais nous imaginons qu’il n’est pas idyllique. C’est parce que vous êtes des êtres humains et non des veuves noires: si vous étiez des mâles de ces araignées, vous apprécieriez l’odeur un peu « fromagère » des pieds non lavés, et vous la poursuivriez en sachant qu’elle provient d’une femelle en chaleur. C’est ce que révèle une étude publiée dans le Journal of Chemical Ecology, qui démontre l’importance de l’odeur des pieds chez les veuves noires.
À la recherche d’odeurs. Les araignées protagonistes de l’étude sont des veuves noires occidentales, de l’espèce Latrodectus hesperus, native des États‑Unis de l’Ouest. C’est une espèce très étudiée en termes de comportement sexuel, parce qu’elles ne sont pas difficiles à observer et elles ont une saison d’accouplement qui dure tout l’été. Le sexe pour ces veuves noires est une affaire importante, surtout pour les mâles: si les femelles survivent à la saison des amours et peuvent s’accoupler l’année suivante, les mâles en général n’y arrivent pas, et ils sont donc pressés de trouver une partenaire.
Comment font-elles ? En cherchant les odeurs: les femelles des veuves noires occidentales produisent des phéromones qui sont « étalées » sur la toile, et les mâles les suivent jusqu’à trouver la potentielle partenaire. Arrivé à destination, les phéromones poussent le mâle à courtiser la femelle: l’une des méthodes les plus utilisées consiste à couper des morceaux de toile de la femelle et les mélanger aux siennes, pour lui prouver qu’il n’est pas une proie (et rendre la toile elle-même moins attractive pour les rivaux). L’étude de l’Université Simon Fraser, au Canada, s’est concentrée justement sur ces phéromones, afin d’en identifier la composition et le fonctionnement.
Odeur (IR)RÉSISTIBLE. La découverte la plus intéressante de cette longue analyse, qui a nécessité un an de travail sur le terrain et des mois d’analyse en laboratoire des substances chimiques recueillies sur les toiles des veuves noires, prend la forme de deux composés chimiques, aux noms interminables mais identifiés dans l’étude simplement comme 1 et 7. Lorsque 1 et 7 se combinent, le résultat est la production (aussi) d’acide isobutyrique, la même substance que l’on trouve dans le beurre, les fromages affinés et même les vomissements humains. C’est cette substance qui donne aux toiles des veuves noires leur odeur de pieds inoubliable, que les mâles trouvent irrésistible.
Séduction estivale. L’étude a aussi découvert que les femelles de ces araignées produisent ces phéromones toute l’année, mais elles en intensifient la production pendant les mois d’été, lorsqu’il y a plus de mâles sexuellement matures à disposition et qu’il y a donc plus de concurrence.
Et au fond, cela fonctionne aussi pour nous: se badigeonner d’un parfum séduisant a du sens quand il y a, pour ainsi dire, du « matériel » à disposition, bien moins quand il n’y a personne autour…