Un sommet international en France a réuni des mathématiciens, des chercheurs et des innovateurs pour explorer une nouvelle manière d’enseigner et de percevoir les mathématiques. Non plus seulement des calculs et des formules, mais un outil pour interpréter le monde, fondé sur la créativité, le jeu et la pensée critique, même à l’ère de l’intelligence artificielle.
Les mathématiques ne constituent pas seulement l’ensemble des chiffres et des calculs que l’on associe souvent aux souvenirs scolaires, elles peuvent aussi devenir un jeu, de la créativité et même de la magie. Il suffit de les observer sous un nouvel angle, comme ce fut le cas à Paris du 28 septembre au 2 octobre, lors du premier Global Math Summit, un rendez-vous international qui a réuni des mathématiciens, des chercheurs et des entrepreneurs du monde entier. L’objectif ? repenser les mathématiques à travers des parcours créatifs et une pédagogie innovante, afin de les ramener au centre de la vie contemporaine.
L’alphabet de l’univers. À une époque dominée par la technologie, de l’intelligence artificielle à la médecine numérique, presque chaque aspect de notre vie repose sur des modèles mathématiques. Pas étonnant que Galilée l’ait décrite comme « l’alphabet par lequel Dieu a écrit l’univers ». Pourtant, de nombreux étudiants perçoivent les mathématiques comme une matière ardue, souvent à cause d’une approche pédagogique qui privilégie les formules au détriment d’une compréhension profonde, de l’« âme » de la discipline. Le problème, évoqué lors du sommet, ne serait pas la mathématique en soi, mais la façon dont elle est enseignée.
Ispirée par la figure du mathématicien bolonais Pietro Cataldi (1552-1626), l’initiative a voulu créer une communauté interdisciplinaire pour rénover les programmes scolaires, en se concentrant particulièrement sur le passage crucial entre arithmétique et algèbre. L’idée est d’intégrer l’histoire des mathématiques et la théorie des nombres à la dimension de l’épanouissement humain – un concept qui englobe le bien-être, l’inclusion et la créativité – afin de donner naissance à des parcours formatifs plus équitables et accessibles.
Entre « Mathémagie » et Soft Skills. Le programme du sommet a alterné des sessions de recherche et des ateliers pratiques. Lors de la Journée Portes Ouvertes, des interventions de renommée internationale ont démontré les potentialités d’une approche différente. Le mathématicien américain Francis Su a évoqué les « Sciences mathématiques pour l’épanouissement humain », tandis que le sino-américain Po-Shen Loh a exploré la « Pensée mathématique créative ».
La présentation d’Art Benjamin, un « mathémage » qui a révolutionné le public avec son spectacle « Mathémagie », a également rencontré un grand succès: il a dévoilé les secrets pour effectuer des calculs mentaux plus rapidement qu’une calculatrice, démontrant que les mathématiques peuvent aussi être spectacle et divertissement.
L’avènement de l’intelligence artificielle, l’un des thèmes centraux de la rencontre, nous force à repenser nos compétences. Si une machine peut effectuer les calculs à notre place, quelles seront les compétences humaines réellement indispensables ? À cette question répond Roberta Marcenaro Lyon, PDG de Imark Impact et organisatrice du sommet : « Les trois vertus les plus importantes sont la créativité, car si vous êtes créatif, vous cherchez à élever ce qui existe déjà ; la passion, qui demeure toujours une grande boussole pour vous conduire au-delà de toute frontière ; et puis la gentillesse ».
« Si, par exemple, vous êtes un grand nerd, c’est-à-dire que vous connaissez et effectuez des calculs parfaitement, mais que vous n’avez pas ces compétences, vous risquez tout de même de ne pas trouver un emploi », a-t-on ajouté.
Il s’agit de ces soft skills qui, associées à une solide formation, permettent de faire la différence sur le marché du travail. « Il faut être de bons êtres humains pour pouvoir être d’excellents travailleurs », a-t-on souligné lors des travaux.
Une communauté pour l’avenir. Le Global Math Summit n’a pas été un événement isolé, mais le premier pas vers la création d’une communauté stable et d’une « conversation qui ne s’éteigne jamais ». L’initiative vise à transformer la Corse, déjà candidate pour accueillir l’Einstein Telescope, en un pôle scientifique de référence. À travers des programmes tels que « Mathématiques à 360° », l’objectif est de placer la pensée mathématique au cœur des décisions stratégiques des entreprises et des institutions.
Dans un monde en perpétuelle évolution technologique, la véritable surprise du sommet a été la redécouverte d’une approche humaniste des sciences des nombres. On a beaucoup discuté de philosophie, revenant idéalement sur les grands penseurs du passé qui avaient déjà pressenti l’universalité de ce langage. Car, au fond, les mathématiques sont partout : « dans la mer, dans les étoiles, dans la géométrie, dans l’art, dans la musique, en cuisine, dans tout ».