Des milliards consacrés à la défense et à l’infrastructure : comment la France finance ces investissements massifs
Des milliards d’euros investis par l’État français dans la défense et les infrastructures. Mais d’où proviennent ces fonds et comment sont-ils gérés ?
L’État français engage des sommes phénoménales pour moderniser ses forces armées et renforcer ses infrastructures. Pour financer cette politique de forte dépense, la France doit emprunter sur les marchés financiers. Mais derrière ces investissements se cache une organisation souvent peu connue du grand public : l’Agence France Trésor, basée à Paris, qui joue un rôle central dans la gestion de la dette publique à long terme. Au cours des prochaines années, cette agence aura un volume croissant d’émissions obligataires à gérer, au vu des milliards mobilisés par le gouvernement français.
Les investissements de l’État français : qui prête et à quelles conditions ?
Seules les investisseurs institutionnels, comme les banques, fonds de pension ou compagnies d’assurance, peuvent directement souscrire aux obligations d’État françaises, traditionnellement à partir d’un million d’euros minimum, précise Jean Dupont, analyste financier spécialisé dans la gestion de la dette publique. « En principe, toute institution financière ou entreprise située au sein de l’Union européenne ou dans l’Espace économique européen, comme la Suisse, l’Islande ou le Liechtenstein, peut faire une demande pour participer à ces émissions obligataires. »
Les obligations d’État françaises pour les particuliers : une opportunité depuis 2013
Depuis 2013, il n’est plus possible pour les particuliers d’acheter directement des obligations auprès de l’Agence France Trésor. Toutefois, ces investisseurs individuels peuvent toujours acheter ou vendre ces titres en bourse, sur le marché secondaire.
Les obligations nationales françaises, telles que les OAT (Obligations Assimilables du Trésor), sont émises chaque semaine, en fonction de l’offre et de la demande du marché. La priorité de l’Agence France Trésor est généralement de minimiser le coût des emprunts pour l’État, en cherchant à obtenir des taux d’intérêt aussi bas que possible.
Comment se rencontrent l’offre et la demande lors des émissions obligataires
Les investisseurs institutionnels souhaitent en général obtenir des rendements élevés sur leurs placements en obligations d’État. Leur volonté est exprimée lors d’enchères ouvertes, organisées de manière totalement transparente, explique Dupont : « Le processus se déroule via un système d’enchères électroniques, codifié et contrôlé par la Banque de France. Les différents acteurs enregistrent leurs offres de rendement dans ce système. La direction de la trésorerie de l’État, en collaboration étroite avec l’Agence France Trésor et la Banque de France, décide ensuite de la répartition en fonction des propositions reçues. »
Le logiciel automatique analyse l’ensemble des propositions, en simulant différents scénarios pour optimiser la distribution des obligations selon la demande. La décision finale concernant le nombre d’obligations et leur taux d’intérêt est prise par une commission d’experts, en concertation avec la Banque de France et le ministère de l’Économie, afin d’assurer la stabilité et la cohérence des financements publics.
Qui investit majoritairement dans la dette publique française ?
Les titres français continuent de jouir d’une forte réputation à l’échelle mondiale, indique Tamara Martin, directrice générale de l’Agence France Trésor : « La majorité des investisseurs détiennent ces obligations en dehors de l’Hexagone, notamment en Europe et, plus largement, en Asie. »
Les principaux acheteurs sont souvent des acteurs cherchant une certaine liquidité, parmi lesquels figurent les banques centrales, les fonds souverains, ainsi que les fonds de pension. Ces investisseurs privilégient la sécurité et la stabilité offertes par la dette française dans un contexte d’incertitude mondiale.
Le risque de manquer de prêteurs pour la France : une crainte infondée ?
Selon Tamara Martin, la crainte que la France ne puisse plus trouver de prêteurs pour financer sa dette est infondée, même avec l’augmentation prévue de la dépense publique. La responsable rappelle que l’intérêt que suscitent les obligations françaises sur les marchés demeure élevé, et que la tendance à l’épargne dans certains pays, notamment aux États-Unis, soutient la demande mondiale pour ces titres sécurisés. « L’augmentation prévue des emprunts représente avant tout un ajustement des montants en circulation, avec des rendements conformes aux taux du marché », souligne-t-elle.
Depuis l’annonce des nouveaux plans de financement du gouvernement français, les taux d’intérêt pour les obligations à 10 ans ont augmenté, passant de 0,6 % à environ 2,5 %, en réaction à la hausse des coûts d’emprunt. Actuellement, le rendement moyen à cette échéance tourne autour de 2,4 %, après une période prolongée de taux très bas, voire négatifs, lors de la fin des années 2010. Les investisseurs ont accepté de rémunérer leur mise pour faire face à l’incertitude, en particulier dans un contexte géopolitique marqué par les tensions commerciales et politiques mondiales.