Comment les pays africains s’endettent auprès de la Chine : causes, conséquences et solutions

La Chine tisse des liens étroits avec d’autres pays par le biais de prêts financiers. De nombreux États africains ont tiré profit de cette manne pour bâtir de nouvelles autoroutes, ponts ou lignes ferroviaires. Cependant, cette dépendance financière a un coût élevé : une explosion de leurs dettes, qui met en péril leur stabilité économique.

Une puissance influente en Afrique

La Chine occupe une place de choix sur le continent africain. Pour plus de la moitié des nations africaines, elle représente la principale source de crédits publics. Selon le Centre pour l’Étude de la Politique Mondiale, basé à l’Université de Boston, entre 2000 et 2022, la Chine aurait octroyé près de 170 milliards de dollars de prêts aux gouvernements et institutions régionales africains. Ce montant colossal témoigne de l’importance croissante de Pékin dans la sphère économique africaine.

Des projets de construction financés en partie par la Chine

Ces financements sont majoritairement dédiés à de vastes chantiers d’infrastructures, principalement réalisés par des entreprises chinoises. Ces sociétés, avec leurs propres équipes et matériaux, mènent à bien des projets d’envergure que l’Afrique ne pourrait pas gérer seule, explique Churchill Ogutu, économiste et analyste pour le groupe IC. Parmi ces projets emblématiques, on cite l’extension de l’aéroport d’Entebbe, près de Kampala, la capitale ougandaise, ou encore la ligne de chemin de fer reliant la Tanzanie et la Zambie, vitale pour le commerce international.

Une croissance économique alimentée par les infrastructures

Les partisans de cette politique défendent que ces investissements seront un moteur pour la modernisation de l’Afrique. Dans certains cas, ils auraient permis d’obtenir des résultats en quelques années qui auraient nécessité plusieurs décennies d’aide au développement traditionnelle. Toutefois, cette stratégie n’est pas sans risques. Les critiques dénoncent l’endettement massif de nombreux pays africains, qui se retrouvent piégés dans un engrenage de remboursements impossibles. Par ailleurs, il inquiète que la puissance chinoise exerce une influence politique croissante sur le continent, à mesure qu’elle étend sa sphère économique.

Les exemples emblématiques de dettes massives

L’Angola, par exemple, figure parmi les plus endettés, ayant contracté près de 20 milliards d’euros auprès des banques chinoises. Le Kenya a également recours à des crédits considérables, ce qui alourdit considérablement sa dette nationale, selon Aly Khan Satchu, économiste et PDG du portail financier eastafrican.co. Ajoutez à cela des emprunts contractés auprès de la Banque mondiale ou du Fonds monétaire international. La somme de ces dettes a des répercussions importantes sur l’économie kenyanne, en difficulté face à ces charges croissantes.

Les leçons tirées des pertes en Afrique

De nombreux pays africains ont du mal à rembourser non seulement le principal des prêts, mais aussi les intérêts exorbitants. Selon le Kiel Institute for the World Economy, ces taux d’intérêt sont en moyenne trois fois plus élevés que ceux appliqués par d’autres sources de financement publiques. Churchill Ogutu indique que ces pertes subies par la Chine ont freiné ses nouvelles donations. C’est ainsi que Pékin a appris de ses erreurs : l’époque de la précipitation dans la délivrance de crédits est révolue.

Il faut souligner que tous les grands projets chinois en Afrique ne rencontrent pas le succès. La ligne de chemin de fer entre Mombasa, sur la côte kényane, et Nairobi, notamment, est confrontée à d’importantes pertes financières. Les autorités chinoises ont finalement renoncé à financer la prolongation du tracé vers l’Ouganda, n’envisageant plus d’investissements supplémentaires dans ce projet.

Une remise en question et un léger refroidissement

Après une période où la Chine a considérablement réduit ses prêts, notamment durant la crise de la COVID-19 à partir de 2020, la donne semble changer. La pandémie avait en effet mis à mal la capacité de Pékin à continuer à prêter massivement à l’Afrique, car l’économie chinoise traversait alors une crise. Mais depuis quelques années, la Chine a repris sa politique de prêts, notamment pour financer des infrastructures comme une ligne de chemin de fer de 200 kilomètres reliant Kano au nord du Nigeria, financée par la China Development Bank.

Néanmoins, le volume de crédits octroyés a été divisé par deux par rapport à la période d’avant la pandémie. La dette africaine, qui atteint déjà des niveaux préoccupants, pousse Pékin à faire preuve de plus de prudence, cherchant à réduire ses risques financiers. Le Ghana ou l’Éthiopie ont ainsi dû restructurer leurs dettes pour éviter la faillite.

Une nouvelle orientation vers les énergies renouvelables

L’un des changements stratégiques de la Chine concerne ses investissements en Afrique. Le pays, qui était principalement connu pour ses prêts à bâtir des infrastructures classiques, se tourne désormais vers les énergies vertes. Il investit davantage dans des projets de production d’énergie solaire, un secteur en plein essor sur le continent africain. La domination des fabricants chinois dans le secteur solaire explique en partie cet engouement, puisque les entreprises chinoises écoulent leurs modules photovoltaïques en Afrique à grande échelle.

Ce repositionnement s’inscrit dans une logique de développement durable, tout en permettant à la Chine de renforcer sa présence commerciale et géopolitique sur le continent. Elle doit également jongler entre sa volonté de soutenir la croissance africaine et les risques d’endettement excessif qui pourraient compromettre cette coopération.

En somme, la stratégie chinoise en Afrique illustre un équilibre délicat entre la volonté de moderniser et de développer le continent, et le risque d’accroître sa dépendance économique. La relation reste complexe, faite d’opportunités mais aussi de défis, où la Chine joue un rôle majeur, à la fois comme partenaire financier et comme acteur influent sur la scène politique africaine.

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