Les épisodes de harcèlement scolaire surviennent souvent dans les espaces et durant des moments marginaux à l’intérieur de l’établissement, ce qui rend leur détection parfois complexe. Cependant, certains dispositifs peuvent aider enseignants et parents à repérer et à intervenir efficacement face à de tels phénomènes.
Le terme « harcèlement » (ou « bullying à l’école ») est relativement récent dans le vocabulaire francophone, mais il désigne un ensemble de comportements qui, malheureusement, ne sont pas nouveaux. Il s’agit d’actions ciblant une ou plusieurs victimes — généralement parmi les élèves les plus faibles ou vulnérables — qui se manifestent dans l’environnement scolaire. Ces actes sont généralement commis par un ou plusieurs auteurs (les victimes deviennent parfois aussi complices ou spectateurs passifs) et impliquent souvent la présence de témoins.
Mais comment distinguer les véritables cas de harcèlement à l’école ? Quelles situations doivent attirer l’attention, et quelles démarches engager ?
Comment repérer le harcèlement à l’école
Les comportements de harcèlement ont tendance à se produire lors des moments et dans les lieux secondaires de la vie scolaire : les toilettes, les vestiaires, l’entrée ou la sortie de l’école, les récréations… Outre la violence physique, caractérisée par des coups ou des menaces, existe également ce que l’on appelle le harcèlement psychologique ou indirect, destiné à humilier ou à démoraliser la victime par des insultes verbales ou par la diffusion de rumeurs, images ou vidéos embarrassantes. Il est important de ne pas penser à tort que ces comportements concernent uniquement l’adolescence : dès l’école primaire, le sentiment de dévalorisation du plus faible peut apparaître.
Alors, comment reconnaître ces situations lorsque leur façade n’est pas évidente ? Il faut en premier lieu prêter une grande attention aux signaux qu’expriment les enfants, notamment à travers leurs dessins, chansons ou jeux, qui peuvent contenir des messages implicites d’une importance capitale. Il est également essentiel d’être très sensible aux signes de tristesse, de retrait, ou de dépression, ainsi qu’à une peur ou une anxiété soudaine vis-à-vis de l’école ou une envie de ne plus participer aux activités scolaires.
Les causes du harcèlement scolaire
Quelles sont les origines du harcèlement ? Bien que la tentation soit de simplifier la discussion, il convient de distinguer les causes à distance ou sociales, et celles qui sont immédiates ou pédagogiques.
En ce qui concerne les causes à distance, le phénomène de harcèlement n’est pas une génération spontanée chez l’enfant ou l’adolescent. Il s’agit souvent d’imiter des comportements de violence, d’humiliation ou de domination qu’ils ont été amenés à vivre ou à observer chez les adultes. Les causes sociales, quant à elles, résident notamment dans l’exposition constante des jeunes à la violence et à la prépondérance du plus fort sur le plus faible, notamment via les réseaux sociaux, qui jouent un rôle de catalyseur dans la reproduction de ces comportements.
En cas de causes immédiates ou pédagogiques, chaque situation doit être analysée en fonction de ses particularités, mais une chose est certaine : un groupe ou une classe où se produisent des actes de harcèlement envoie un signal fort à l’adulte. Il est primordial que les enseignants et les parents adoptent une posture d’écoute attentive afin d’identifier quel travail pédagogique a manqué jusqu’alors pour prévenir de tels incidents.
Que faire face au harcèlement scolaire ?
Pour lutter contre le harcèlement à l’école élémentaire, il est essentiel de trouver un équilibre entre une intervention immédiate pour protéger la victime et une démarche qui ne se limite pas à des sanctions punitives pour les « harceleurs ». En effet, punir un agresseur peut, paradoxalement, renforcer sa position de leader dans la classe, en lui donnant unefaçon de « médaille » ou de reconnaissance parmi ses pairs.
Une fois le phénomène repéré, il faut agir sur trois niveaux. Tout d’abord, il faut protéger la victime en prenant en compte ses peurs et son sentiment de culpabilité. Souvent, la personne qui subit une violence pense à tort qu’elle l’a « méritée » en raison de sa faiblesse, de ses fragilités ou de son apparence physique. Ensuite, il est indispensable d’intervenir auprès du ou des harceleurs, non pas dans une logique purement punitive, mais en les invitant à prendre conscience de la gravité de leurs actes et à engager un processus de réparation. Cela ne se limite pas simplement à des excuses, mais doit également inclure une démarche de reconstruction respectueuse des relations avec la victime.
Enfin, il est crucial d’impliquer les témoins silencieux, ces observateurs qui n’interviennent pas mais qui, face à une situation de violence, ont aussi leur responsabilité. Il faut les accompagner à réaliser que ne rien faire face à une scène de harcèlement, c’est tout aussi problématique que d’y participer activement.
Comment prévenir le harcèlement à l’école ?
La prévention du harcèlement passe avant tout par une réflexion fondamentale : si aucune classe ou groupe d’élèves n’est totalement à l’abri, il est également vrai que le harcèlement ne doit pas être considéré comme une fatalité. La prévention repose en grande partie sur la responsabilisation des enfants quant à leur rôle dans le bien-être collectif.
Créer des classes véritablement communautaires, où l’accueil et la valorisation des différences sont la base du vivre ensemble, et où les règles sont co-construites et partagées par tous, constitue une étape essentielle de cette prévention. Il ne faut pas nécessairement parler de « harcèlement » pour agir : ce qui compte, c’est la qualité des relations quotidiennes, l’expérience positive du vivre ensemble, notamment dans la confrontation pacifique et constructive face aux différences. Ces expériences favorisent l’émergence d’un environnement plus respectueux, qui met en danger la culture de domination et de violence, à la racine du harcèlement scolaire et de toute forme d’oppression par le plus fort sur le plus faible.