Lors de la Journée mondiale de l’alimentation, l’objectif d’éradiquer la faim dans le monde s’éloigne: nous l’atteindrons peut-être en 2137.
Cent-quarante millions de personnes, le double de la population française: tant se trouvent actuellement dans une condition de faim aiguë liée à une guerre. Au cours de l’année écoulée, les conflits armés ont déclenché au moins 20 crises alimentaires dans le monde: ils ont été le plus grand multiplicateur global de la faim, responsables – en 2024 – de 47% des cas mondiaux de faim aiguë.
Ce sont les chiffres contenus dans l’Indice Global de la Faim 2025, L’Indice Global de la Faim 2025, l’un des rapports les plus importants sur la mesure de la faim dans le monde, préparé pour l’édition italienne par CESVI, organisation non gouvernementale engagée dans la lutte contre la pauvreté et la promotion du développement durable.
La publication intervient à l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation (World Food Day) du 16 octobre 2025 et au huitième dizaine de la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, fondée précisément le 16 octobre (en 1945).
Une « nouvelle normalité » : la faim comme arme
La nourriture devrait être un droit universel, et pourtant, l’utilisation de la faim comme arme de guerre semble traverser une phase de normalisation, comme le démontrent les conflits armés dans la Bande de Gaza et au Soudan. Selon le rapport, dont les signataires internationaux incluent les ONG Welthungerhilfe (WHH) et Concern Worldwide et l’Institute for International Law of Peace and Armed Conflict (IFHV), un institut de recherche académique allemand sur les crises humanitaires, entre 2023 et 2024 les personnes exposées à des niveaux de famine ont plus que doublé, atteignant près de deux millions: 95% d’entre elles vivent justement dans ces deux lieux déchirés par les conflits.
La famine n’a pas été, et n’est pas seulement, une conséquence « collatérale » des combats, mais est devenue une forme de violence exercée délibérément à travers des blocages de l’aide, des obstacles bureaucratiques destinés à l’empêcher d’atteindre les populations, la destruction systématique des terres agricoles et des activités productives, la présence d’engins explosifs non explosés et la destruction des services d’eau et de santé: ces conditions coexistent toutes à Gaza et constitueront un danger pour l’alimentation encore pendant de nombreuses années.
Surtout à Gaza, exemple le plus emblématique des conséquences de la faim utilisée comme arme de guerre, malgré la fragile trêve, se poursuit une dramatique famine, avec l’aide entrante encore très limitée et les prix des biens de première nécessité à des niveaux record (+3 400% pour la farine). La production alimentaire locale est rendue impossible par la destruction de 98% des terres agricoles; 320 000 enfants de moins de 5 ans sont à risque de malnutrition aiguë, plus de 54 600 en souffrent déjà, plus de 20 000 personnes ont été blessées ou tuées (2 580) dans la tentative de se procurer de la nourriture ou d’accéder à l’aide.
Un retard d’un siècle
L’Indice Global de la Faim calcule le niveau mondial de malnutrition à travers quatre indicateurs: dénutrition, retard de croissance infantile, émaciation infantile et mortalité infantile. Depuis 2016 jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas eu d’amélioration significative dans ces 4 domaines en raison d’une combinaison de conflits armés, de fragilité économique et de changement climatique. Aujourd’hui le score mondial de l’Indice Global de la Faim est de 18,3: techniquement, il s’agit d’un niveau de malnutrition global « modéré », ce qui se traduit en pratique par 295 millions de personnes souffrant de faim aiguë dans 53 pays ou territoires, 13,7 millions de plus en 2024 par rapport à 2023.
Des chiffres qui font s’évanouir l’espoir de vaincre la faim et de garantir la sécurité alimentaire mondiale de l’Objectif 2 de l’Agenda 2030. En poursuivant à ce rythme, révèle le rapport, nous y arriverions en 2137, plus de 100 ans plus tard.
La géographie de la faim
Le document souligne que la faim a atteint des niveaux alarmants dans 7 pays (Haïti, Madagascar, République démocratique du Congo, Somalie, Soudan du Sud, Burundi et Yémen) et est classée comme grave dans 35 autres. Dans certains de ces pays, comme la Palestine, le Soudan, la Corée du Nord, les niveaux pourraient être encore plus graves que ce que les statistiques indiquent, car les données essentielles manquent pour calculer les indicateurs de l’indice. Cela risque d’aggraver encore la situation, car une pénurie de données peut rendre les besoins « invisibles ».
A la mi-2024, la famine a été confirmée dans certaines zones du Darfour, une région de l’ouest du Soudan, avec environ 760 000 personnes en insécurité alimentaire au niveau catastrophe à cause de la guerre civile qui dévaste le pays depuis plus de deux ans.
40% des personnes malnutries à l’échelle mondiale se trouvent en Asie du Sud, tandis que les régions d’Afrique subsaharienne détiennent le triste record de mortalité infantile liée à la faim. Dans le Sud-Est asiatique, le Myanmar se distingue par les conditions précaires de la population, sortant d’une augmentation des violences et du tremblement de terre qui en mars 2025 a provoqué 3 millions de déplacés. 25% de la population se trouvent dans des conditions critiques d’insécurité alimentaire.