La musique des dinosaures

Une musicienne a créé des instruments inspirés du crâne de Corythosaurus, dinosaures dotés d’une crête creuse sur la tête, que l’on pense utilisée pour les vocalisations. Le résultat est un concert très particulier.

Nous ne savons pas quelle voix avaient les dinosaures : dans les films, ils rugissent de manière effrayante, mais dans la réalité — comme le montrent les études les plus récentes — ils émettraient peut-être des sons similaires à ceux des oiseaux (qui, après tout, en sont les descendants). Dans d’autres cas, leurs vocalisations pourraient être plus proches de profondes « mugissements » : c’est le cas de dinosaures comme Corythosaurus, qui vécurent il y a 77-75 millions d’années en Amérique du Nord, dotés d’une crête creuse traversée par les voies nasales, que l’on pense utilisée pour amplifier les sons.

Courtney Brown, musicienne, professeure à la Southern Methodist University (États-Unis), a mis au point des instruments musicaux inspirés de leur crâne, Dinosaur Choir (le « coro del dinosauro » que vous pouvez écouter ci-dessus) : le projet fait l’objet d’un dossier dans Info Utiles n° 397. Brown nous raconte comment ces instruments sont nés et comment ils sonnent.

Sur quoi se base l’instrument ?

Sur la tomodensitométrie des crânes fossiles. Puis on réalise la rétrodéformation, c’est‑à‑dire la « réparation » de la déformation du crâne causée par des millions d’années de sépulture et d’écrasement, à l’aide d’un logiciel de modélisation 3D. Cela se fait séparément, pour l’extérieur du crâne et pour l’intérieur des voies nasales. Puis les pièces sont « assemblées » dans le modèle virtuel de l’instrument, enfin réalisées par impression 3D.

Pour Dinosaur Choir, j’ai collaboré avec Thomas Dudgeon, paléontologue du Royal Ontario Museum et de l’Université de Toronto (Canada). Il a fourni le modèle 3D externe du crâne que nous avons utilisé dans la version la plus récente et a effectué la numérisation initiale des passages nasaux. Le designer et sculpteur Cezary Gajewski a ensuite conçu le crâne et les autres parties de l’instrument. Moi, j’ai écrit le logiciel qui simule les cordes vocales des dinosaures, en me basant sur les mécanismes vocaux des oiseaux et en modifiant les paramètres pour refléter l’anatomie supposée des dinosaures (en particulier du Corythosaurus). Actuellement, j’utilise un modèle vocal basé sur la syrinx (l’organe vocal des oiseaux) de la tourterelle à collier. Les paramètres sont ensuite ajustés sur la base du crâne du Corythosaurus. Ce processus est hautement spéculatif et fantasque, car il n’existe pas de restes d’organes vocaux du Corythosaurus.

D’où vient l’inspiration pour un instrument pareil ? Et comment a-t-il évolué ?

Lors d’un voyage, je me suis arrêtée au Tucumcari Dinosaur Museum au Nouveau-Mexique, aux États‑Unis, et j’ai vu une exposition sur le Parasaurolophus, un dinosaure qui, selon les scientifiques, utilisait sa longue crête crânienne comme caisse de résonance pour amplifier le son.

On pouvait appuyer sur un bouton et entendre le cri reconstruit. Et, en tant que chanteuse, je suis tombée amoureuse de l’idée de faire chanter les dinosaures. Le Corythosaurus, comme le Parasaurolophus, était un adrosaurus, un dinosaure au bec d’oie avec une grande crête qui abritait les voies nasales et qui, selon les scientifiques, servait à la résonance. J’ai choisi le Corythosaurus parce que Lawrence Witmer de l’Université de l’Ohio disposait des scans du crâne et des passages nasaux d’un Corythosaurus subadulte. D’ici est né le premier modèle, Rawr!, en mousse. Pour la première version, j’ai utilisé une laryng[e] mécanique créée avec de petits ballons pour modeler les cordes vocales et l’instrument se jouait en soufflant dans un tube (comme dans un instrument à vent traditionnel). Dans la version suivante, en revanche, la production du son repose sur un logiciel, sur un modèle vocal : cela me permet de mettre à jour l’ensemble en intégrant les découvertes récentes sur l’anatomie des dinosaures et d’expérimenter, plutôt que de devoir construire une nouvelle laryng(e) « physique ».

Comment ça se joue ?

Dans la première version, on souffle dans un tube. Dans la seconde, les musiciens soufflent dans le micro pour contrôler le volume du son : plus on souffle fort, plus le son est puissant. La forme de la bouche — captée par une caméra — contrôle le timbre : si elle est plus ouverte, comme lors d’un sourire, on obtient un son plus aigu, tandis que si elle est plus fermée, on obtient un son plus grave. Le son généré par ordinateur — par le modèle virtuel qui reproduit les cordes vocales du dinosaure — est émis par un haut‑parleur et résonne à travers les cavités nasales, exactement comme cela se produirait chez un dinosaure.

Quelles seront les prochaines créations ?

Pour Dinosaur Choir, nous disposons de deux modèles basés sur le Corythosaurus à des âges différents, adulte et subadult. D’ici 2026, nous voulons rendre le logiciel public, afin que chacun puisse créer un instrument avec l’impression 3D. De plus, nous voulons recréer un autre dinosaure à crête, Lambeosaurus lambei. Et explorer aussi la possibilité de nous appuyer sur l’anatomie d’un dinosaure d’un autre groupe : un ankylosaure, qui possède des passages nasaux particuliers.

Il y a déjà eu plusieurs concerts avec les instruments actuels…

J’ai réalisé diverses performances interactives dans des musées, des festivals et des conférences scientifiques. J’ai joué en solo, ainsi qu’au sein d’un ensemble, le Dinosaur Trio, et j’ai collaboré avec un saxophoniste.

Article pensé et écrit par :
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