Le 19 juin, la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a donné son feu vert à un médicament injectable qui pourrait révolutionner la prévention du VIH en offrant une protection complète contre l’infection.
Il s’agit du lenacapavir, un traitement innovant qui pourrait mettre un frein à l’épidémie mondiale de HIV. Ce médicament antirétroviral à longue durée d’action, à administrer deux fois par an par injection, a démontré son efficacité en empêchant totalement la transmission du virus chez les personnes séronégatives (c’est-à-dire exemptes du VIH) présentant un risque élevé d’infection. La décision de la FDA revêt une importance capitale non seulement pour les États-Unis, mais aussi à l’échelle mondiale. Voici pourquoi.
Lenacapavir : qu’est-ce que c’est et comment agit-il contre le VIH
Le lenacapavir est un médicament antirétroviral déjà approuvé et utilisé pour traiter les patients souffrant de formes résistantes du VIH, c’est-à-dire lorsque les traitements classiques ne sont plus efficaces. Il agit en perturbant la formation du capside, cette structure protéique qui entoure et protège le matériel génétique du virus. En bloquant plusieurs étapes du processus de réplication virale, le lenacapavir freine la propagation du VIH dans l’organisme. Récemment, des études importantes — dont nous avons parlé ici — ont montré que ce traitement pouvait aussi être utilisé en prévention, notamment sous la forme de prophylaxie pré-exposition, ou PrEP, c’est-à-dire la prise de médicaments anti-HIV par des personnes séronégatives mais exposées à un risque élevé d’infection.
En utilisant les mêmes médicaments antirétroviraux que pour traiter les personnes infectées, la PrEP empêche le virus du VIH de se multiplier et de s’établir dans le corps de personnes non infectées. Au fil des décennies, cette stratégie a permis de freiner considérablement l’épidémie du VIH. Cependant, la plupart des programmes de PrEP reposent aujourd’hui sur une prise quotidienne orale, ce qui pose plusieurs défis. Ces contraintes comprennent l’oubli de la prise du traitement, la difficulté d’accès pour ceux qui vivent loin des centres de santé ou encore la stigmatisation sociale liée à l’usage de ces médicaments.
Deux injections par an pour prévenir le VIH : une avancée majeure
Les traitements préventifs injectables à longue durée constituent une solution prometteuse pour surmonter ces obstacles. Avant le lenacapavir, la PrEP la plus longue proposait des injections tous les deux mois. Avec le lenacapavir, développé par la société pharmaceutique Gilead, il ne sera plus nécessaire que l’administration ait lieu toutes les six mois. Sa mise en place garantit une protection continue et optimale, grandement liée à une meilleure observance du traitement par les patients. Pour l’impact potentiel de cette avancée sur la réduction de la circulation du virus ainsi que sur la santé publique, cette découverte a récemment été récompensée par le prix « Breakthrough of the Year », décerné par la revue scientifique Science, qui valorise les innovations scientifiques les plus révolutionnaires.
Lenacapavir : l’approbation de la FDA
Selon le média Reuters, l’approbation du lenacapavir par la FDA représente l’un des dossiers de plus haute envergure traités par l’agence depuis le début du second mandat du président Trump, lorsque le ministre de la Santé, le controversé Robert F. Kennedy Jr., était à la tête du ministère. Actuellement, aux États-Unis, plus de 400 000 personnes suivent quotidiennement un traitement oral pour prévenir le VIH.
Gilead vise à étendre le nombre d’utilisateurs à un million d’ici à la prochaine décennie, en surfant sur la simplicité de la thérapie à deux injections par an. Côté financement, cette nouvelle option devra intégrer le programme de sécurité sociale américain, connu sous le nom de Medicaid, qui couvre principalement les populations les plus modestes, souvent en dehors du secteur privé. La facilité d’administration de ce traitement pourrait ainsi encourager de nombreuses personnes à risque, qui hésitaient jusqu’ici à s’engager dans une prise régulière de médicaments, à se faire dépister et à se protéger durablement contre le VIH.
Lenacapavir : accords avec les pays en développement
Le feu vert de la FDA devrait prochainement s’accompagner d’une approbation de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Le lenacapavir pourrait être commercialisé dès le début de 2026 et bénéficier à au moins deux millions de personnes dans 18 pays à faible revenu, où l’incidence du VIH reste très élevée. La société Gilead a d’ores et déjà mis en place une priorité pour la production dans ces régions, en accordant à six laboratoires en Asie et en Afrique du Nord la licence pour produire une version générique du médicament à un coût réduit. Selon les estimations, chaque année, environ 1,3 million de personnes contractent le VIH dans le monde, selon les données de l’OMS 2023.
Le coût d’un traitement avec le lenacapavir pour les patients atteints de formes résistantes du VIH s’élève à environ 42 250 dollars par an aux États-Unis. Si le prix pour la prévention via la PrEP n’est pas encore fixé, une étude menée par l’Université de Liverpool indique qu’un coût approximatif de 40 dollars par an pourrait permettre une diffusion large, tout en assurant une marge bénéficiaire intéressante pour les fabricants, à condition que le traitement soit prescrit à un grand nombre de personnes.
Au total, y compris les 18 pays prioritaires pour l’accès au médicament, une centaine de pays à faible revenu pourrait bénéficier des versions génériques du lenacapavir. Toutefois, le déploiement sera long, en partie à cause du processus de négociation avec les autorités sanitaires internationales et nationales, mais aussi sous l’influence du programme américain PEPFAR (President’s Emergency Plan for AIDS Relief), lancé pour contenir la pandémie de VIH/SIDA à l’échelle mondiale, qui a été récemment confronté à des coupes budgétaires de la part de l’administration en place. Ce dispositif constitue une étape essentielle pour améliorer la santé publique dans ces régions vulnérables.