Tate del Sonno : Un véritable secours ou une simple stratégie commerciale ?

Les services pour apprendre aux bébés à dormir, de plus en plus nombreux en France et souvent coûteux, font aujourd’hui parler d’eux. Promettant des solutions pour aider les parents à faire dormir leurs enfants, ces offres expérimentent différentes méthodes pour répondre à un problème universel : les nuits blanches et les difficultés à instaurer un rythme de sommeil stable chez les tout-petits. Mais ces services sont-ils véritablement efficaces ?

Une grande variété de professionnels

Les intitulés et la nature exacte des intervenants qui proposent ces aides varient largement. La plupart de ces rôles sont occupés presque exclusivement par des femmes, pour des raisons socioculturelles liées au soin de l’enfance, mais aussi à la tradition de l’accueil et de la garde d’enfants. Certains de ces intervenants sont aussi des personnes qui proposent principalement de la garde d’enfants ou du babysitting, en ajoutant parfois un service de gestion du sommeil lors de nuits difficiles, avec tarif spécifique pour les heures nocturnes.

D’autres encore exercent dans le cadre de professions non médicales, souvent désignées par un terme dérivé du grec : « doula », qui est une aide à la naissance ou au postpartum, mais pas une praticienne de santé à proprement parler. Certains ont choisi selon leur volonté de se spécialiser uniquement dans le sommeil de l’enfant et se présentent alors comme des « tata du sommeil » ou même des « fées du sommeil » proches du petit.

Ces services sont proposés à distance ou à domicile. Il existe aussi des formations, souvent sous forme de cours en ligne, destinés à des groupes de parents. Ces formations prétendent fournir des outils pour « régler » les troubles du sommeil selon différents tranches d’âge, en évoquant notamment des caractéristiques physiologiques du sommeil du nourrisson, comme la fragmentation de ses cycles.

Dans l’univers des services haut de gamme, notamment dans les grandes villes, ces intervenants peuvent faire partie de formules proposées par des agences spécialisées dans l’assistance « de luxe ». Ces offres comprennent aussi des prestataires comme des gouvernantes, des maîtresses de maison, des nounous, ou encore des tatas bilingues.

Il existe également des services de garde nocturne pure, pour permettre aux parents épuisés de récupérer un peu de sommeil après les nuits agitées dues en particulier aux réveils fréquents du bébé.

Un coût élevé souvent associé

Étant donné la diversité et la personnalisation de ces offres, il n’est pas évident d’évaluer précisément combien cela peut coûter. Certains « spécialistes du sommeil » très connus facturent plusieurs centaines d’euros pour une simple session téléphonique. Si le service est personnalisé et réalisé à domicile, en revanche, le prix peut s’envoler rapidement, atteignant parfois plusieurs milliers d’euros pour des forfaits complets.

Les forfaits se négocient souvent en « packages » allant de 1 000 à 3 000 euros, voire plus, selon l’expérience, la notoriété et la réputation de l’intervenant, mais aussi selon la région et la clientèle ciblée. Ce phénomène n’est pas une exclusivité française, il est mondial : la popularité de ces solutions à base de « techniques du sommeil » auprès d’une clientèle fortunée ou de célébrités ne cesse de croître. Les émissions télévisées et les médias renforcent cette image d’une « méthode infaillible » capable de faire cohabiter stress, rythmes professionnels très chargés et bien-être des enfants, ce qui alimente la surenchère tarifaire.

Les méthodes employées

Typiquement, ces services proposent une variante des techniques comportementales visant à apprendre au bébé à s’endormir seul, en réduisant progressivement l’intervention du parent. Selon les cas, cela consiste à laisser le bébé pleurer ou à intervenir de manière limitée. S’il n’existe pas de preuves concluantes que ces méthodes produisent des effets indésirables à long terme, leur efficacité reste encore sujette à débat.

Les études en la matière, généralement menées sur des adolescents ou des adultes, n’offrent pas de certitudes quant à leur impact chez les nourrissons de moins de six mois. Pourtant, de nombreux parents, encouragés par des témoignages positifs, sont prêts à investir des sommes importantes pour bénéficier de ce qu’ils croient être une solution experte à leurs nuits blanches.

De fausses attentes

Un des problèmes majeurs qui peut alimenter le sentiment d’incompétence chez les parents réside dans des fausses idées sur ce que doit être le sommeil du bébé. Beaucoup croient à tort qu’un « bon » bébé est celui qui dort toute la nuit d’affilée, ce qui n’est généralement pas le cas. Attribuer cette réussite à l’habileté parentale peut mener à des sentiments d’échec ou de culpabilité si cela ne se produit pas.

Une connaissance superficielle de la physiologie du sommeil du nourrisson suffit à comprendre que ce dernier ne peut pas, à cet âge, dormir de façon continue comme un adulte. Selon la neuropsychologue Romina Moavero, professeure à l’Université de Rome et spécialiste des troubles du sommeil chez l’enfant, le sommeil de bébé est naturellement polyphasique : il comprend plusieurs petites périodes de sommeil et de veille réparties sur la journée et la nuit. Ce schéma, tout à fait normal, s’inscrit dans la physiologie du jeune enfant.

Elle précise que certains bébés peuvent dormir plus longtemps d’une seule traite, mais cela reste l’exception plutôt que la règle. Jusqu’à trois ou quatre mois, il est normal que le bébé ne différencie pas encore le jour de la nuit et que ses rythmes soient encore en construction. La durée totale de sommeil chez le nourrisson, surtout dans ses premiers mois, représente souvent 70 % de son temps de veille, répartie en plusieurs cycles courts.

L’évolution vers un sommeil adulte, avec des cycles de 90 minutes comprenant une phase REM (en rêve), se met en place graduellement. Chez le nouveau-né, cette phase REM occupe presque 50 % de son sommeil, un pourcentage vital pour son développement cérébral. Avec le temps, cette proportion diminue pour atteindre, vers l’âge de 2 ou 3 ans, le ratio observé chez l’adulte (environ 20-25 %).

L’hygiène du sommeil

Des habitudes simples peuvent également favoriser un sommeil plus serein. Moavero insiste sur la nécessité de connaître et d’appliquer ce qu’on appelle l’hygiène du sommeil : maintenir des horaires réguliers, créer un environnement calme et rassurant, instaurer des routines préparant à l’endormissement, et éviter certaines pratiques néfastes.

Par exemple, la surexposition aux écrans dès le jeune âge est aujourd’hui largement déconseillée car elle perturbe la production de mélatonine, hormone du sommeil. Beaucoup de parents doivent aussi réaliser que leurs enfants ne peuvent pas dormir dans des environnements bruyants ou inconfortables, ou en étant soumis à des contraintes excessives, ce qui ne favorise pas la paix intérieure du petit.

Certains problèmes de sommeil, comme les difficultés dues à des reflux, des troubles de l’alimentation ou d’autres conditions médicales, doivent être pris en charge par des professionnels qualifiés. Mais la plupart des troubles évoqués par ces services complaisamment proposés relèvent de la normalité du développement, surtout dans les premiers trois ans de vie.

L’efficacité de ces méthodes

Se poser la question de l’efficacité des techniques « enseigner à dormir » ou « faire dormir » avec l’aide de tatas ou de consultants spécialisés reste légitime. Les études sérieuses portant sur l’adolescence ou l’âge adulte montrent que ces méthodes peuvent avoir un certain effet, mais elles ne prouvent pas pour autant leur efficacité sur les très jeunes enfants.

Il faut garder à l’esprit que beaucoup de troubles du sommeil chez le nourrisson tendent à disparaître spontanément en grandissant, surtout si les parents acquièrent une meilleure compréhension du fonctionnement physiologique du sommeil. Invoquer une intervention extérieure pour expliquer la résolution naturelle du problème peut donc être une erreur, ou une simple coïncidence.

Par ailleurs, la présence d’un professionnel ou d’une figure extérieure peut, dans certains cas, rassurer les parents, surtout lorsqu’aucun réseau de soutien n’est disponible. Son simple fait d’être là peut apporter un apaisement qui, indirectement, améliore le sommeil du bébé, sans que cela repose nécessairement sur des techniques validées ou scientifiquement prouvées.

Il est crucial de souligner qu’à ce jour, aucune méthode n’a été scientifiquement démontrée comme étant efficace pour faire dormir le bébé ou le nourrisson de manière systématique. Penser qu’un professionnel ou une figure extérieure pourrait remplacer la compétence parentale dans l’éducation au sommeil est une erreur. Chaque enfant étant différent, il n’existe pas de routine universelle ou de solution miracle. Les parents, en apprenant à connaître les particularités de leur enfant, peuvent ajuster leur approche, éventuellement avec l’aide de professionnels formés, sans culpabiliser ou se sentir insuffisants.

Une aide par des professionnels compétents

Il est tout à fait envisageable d’accompagner les familles dans cette étape cruciale, à condition que les intervenants soient réellement formés et disposent de compétences solides. La clé réside dans la connaissance du sommeil infantile, qui doit être expliquée aux parents pour éviter qu’ils ne nourrissent de fausses attentes ou qu’ils se sentent impuissants face à des comportements qui relèvent du développement normal.

Romina Moavero insiste sur l’importance de faire évoluer la formation des futurs professionnels : « Il serait utile d’intégrer dans la préparation prénatale ou postnatale des modules spécifiques sur le sommeil du nourrisson, réalisés par des spécialistes tels que des pédiatres, des psychologues ou des neuropsychiatres ; cela permettrait aux futurs parents de mieux comprendre ces phases, d’appréhender la normale, et de réduire leur angoisse. »

Elle ajoute que, en France, à ce jour, beaucoup de ces « consultants » ou « spécialistes du sommeil » ne disposent pas forcément de diplômes officiellement reconnus ou de certifications valides. Beaucoup de formations courtes proposées souvent à l’étranger manquent de reconnaissance officielle dans notre pays et ne garantissent pas forcément des compétences approfondies, notamment sur le développement neurologique ou néonatal.

En conclusion, si de nombreux services vantent des méthodes rapides et faciles pour faire dormir bébé, il est essentiel pour les parents de garder à l’esprit que chaque enfant est unique, que les troubles du sommeil sont souvent temporaires, et que la meilleure façon d’accompagner leur enfant reste un dialogue sincère, une connaissance de ses besoins et, le cas échéant, le recours à des professionnels réellement formés et compétents.

Article pensé et écrit par :
Avatar de Julie Ménard
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