La tragique évacuation d’une personne par un moteur d’avion à Orio al Serio : mythe ou réalité ?
Un incident récent survenu à l’aéroport d’Orio al Serio a remis sur le devant de la scène un danger peu connu mais bien réel : celui qu’une personne puisse être aspirée par un moteur d’avion à réaction. Selon les premières investigations, l’incident aurait impliqué une personne qui aurait été aspirée par l’un des moteurs d’un Airbus A319 en opération au sol, dans des circonstances encore à l’étude par les autorités compétentes. Mais, une question subsiste : est-ce réellement possible ? La réponse est affirmative. Et ce risque se présente même lorsque les moteurs ne tournent pas à pleine puissance.
Comment fonctionne un moteur à réaction comme celui impliqué dans cet incident ?
Les moteurs à turboventilation, comme celui monté sur l’appareil concerné, sont conçus pour produire une poussée comprise généralement entre 85 et 120 kN, en s’appuyant sur un processus complexe à plusieurs étages. L’air est aspiré par la large entrée frontale appelée le « fan », puis comprimé par une série de compresseurs internes. Par la suite, cet air comprimé est mélangé avec du carburant et enflammé dans la chambre de combustion. Les gaz chauds ainsi générés s’échappent à grande vitesse par l’extrémité arrière du moteur, créant la poussée nécessaire à l’avion.
Une partie de cette air ne participe pas à la combustion. Elle est accélérée par le fan et contourne le noyau central du moteur grâce à une voie de bypass (« détour »). C’est cette double voie qui confère au turboventilateur une meilleure efficacité, tout en étant plus silencieux que les anciens moteurs à réaction traditionnels. Lors de ce processus, la première étape — celle de l’aspiration — est primordiale : même lorsque le moteur tourne au ralenti, la force avec laquelle il aspire l’air par l’avant reste colossal. C’est cette aspiration qui constitue un danger immédiat pour quiconque s’approche de trop près du moteur.
Que signifie « minime régime » ou « idle » ?
Les risques existent également lorsque l’avion reste au « minime régime » (en français) ou « idle » (au sens technique en anglais), ce qui correspond à un moteur allumé mais ne fournissant pas une poussée suffisante pour faire avancer l’appareil. C’est la phase où le moteur reste en fonctionnement « d’attente », par exemple lorsque l’avion est stationné à la porte ou qu’il roule lentement sur le sol.
Même dans cet état, où il semble presque « à l’arrêt », le moteur en idle continue d’aspirer des centaines de kilogrammes d’air par seconde. Cela crée un champ d’attraction invisible mais puissant, capable de provoquer une aspiration dangereuse. D’ailleurs, depuis les années 1990, pour mieux signaler cette dangerosité, les compagnies aériennes et les autorités ont introduit l’utilisation de symboles, comme le « swirl marker » ou « spinner spiral », une spirale placée sur la carénage frontal du moteur, qui indique la rotation de la hélice ou du fan.
Quelle dangerosité réelle d’un moteur à réaction en marche ?
Pour donner une idée claire du danger, la IATA (International Air Transport Association), qui représente l’ensemble des compagnies aériennes mondiales, a défini des zones de danger autour des moteurs à réaction, en complément des données fournies par la FAA (Federal Aviation Administration) des États-Unis :
- La zone de risque s’étend à environ 4,2 mètres du moteur lorsque celui-ci est au minimum, pouvant atteindre 10 mètres lorsque le moteur tourne à pleine puissance.
- La vitesse de l’air à un mètre du moteur dépasse 150 km/h.
- La pression d’aspiration peut atteindre jusqu’à -10 kPa.
En pratique, une personne à moins de 3 mètres d’un moteur en idle peut être déstabilisée, voire totalement aspirée si elle se trouve à moins d’un mètre. La force d’aspiration est telle qu’elle peut entraîner une personne dans le moteur, avec des risques graves voire mortels.
Des incidents déjà recensés : ce n’est pas une première
L’incident d’Orio al Serio reste encore à éclaircir, mais des événements similaires ont déjà été documentés. En 2006, à Atlanta, un mécanicien d’une compagnie aérienne a été aspiré par un moteur d’un Boeing 737 lorsque l’appareil était au ralenti. Le mécanicien est décédé immédiatement.
Plus récemment, en 2023, en Alabama, un autre opérateur a été « englouti » par un moteur en marche, également en idle, d’un Embraer E175. Par ailleurs, un cas historique et particulièrement spectaculaire reste celui de 1991, sur une porte-avions américain : un marin a été aspiré par le moteur d’un aéronef A-6 Intruder, mais a réussi à survivre après avoir été gravement brûlé. La victime a pu être extraite, mais avec des blessures graves, témoignant de la force exceptionnelle de ces aspirateurs mécaniques lorsque l’on s’en approche de trop près.
Grâce à ces exemples, il apparaît clairement que le danger n’est pas théorique, mais bien réel. La prudence reste de mise, que ce soit lors des opérations au sol ou pour toute intervention à proximité des moteurs d’avion.