À quatre ans, elle appliqua la méthode scientifique en observant les poules et écrivit le premier nécrologie pour un animal : quelques-unes des curiosités sur Jane Goodall que nous vous racontons.
Elle est connue comme la première chercheuse à nous poser la question: qu’est-ce qui nous rend humains ? Jane Goodall est morte le 1er octobre 2025, à l’âge de 91 ans, après avoir dédié toute une vie à l’étude des chimpanzés. Elle a découvert, entre autres choses, qu’ils construisaient et utilisaient des outils, développaient une culture, réalisaient des rituels et que chaque individu manifestait une personnalité propre. Des caractéristiques qui, jusqu’alors, étaient considérées comme quasi exclusives à l’être humain.
Elle restera dans les mémoires pour avoir incité une génération de chercheurs à mettre de côté les livres et à s’aventurer dans la jungle, ou dans la savane, pour observer les animaux de près. Goodall, en réalité, ne se limitait pas à les regarder et à prendre des notes: elle s’imprégnait d’empathie avec eux, apprenait d’eux et répudiait le langage, elle s’attachait à leurs histoires. C’est elle-même qui racontait comment certaines approches de la croissance de son fils s’étaient déduites justement des mères chimpanzé. Et ce n’est pas la seule curiosité liée à sa vie et à son travail : dans cet article, nous en avons collecté cinq…
Tout a commencé grâce à deux chiens en fuite
Il y a quelques semaines, dans une interview qui paraîtra dans le numéro de Info Utiles en kiosque à partir du 21 octobre (et que nous n’aurions jamais imaginé être l’une des dernières), elle racontait comment elle avait gagné la confiance du célèbre paléontologue Louis Leakey grâce à deux dalmatiens échappés. Les chiens appartenaient à son épouse, Mary Leakey, elle aussi chercheuse en anthropologie et en évolution humaine.
Le groupe, composé également d’une quatrième jeune fille, Gillian, se trouvait à la Gorge d’Olduvai, en Tanzanie. Gillian et Jane Goodall devaient promener les dalmatiens, Toots et Bottom Biter, auxquels Mrs. Leakey était très attachée. Pendant la promenade, toutefois, les chiens partirent à la poursuite d’un souriceau et disparurent de la vue des deux femmes. Un autre animal attira en revanche l’attention de Goodall: un lion mâle adulte qui observait la scène avec une curiosité apparente. Effrayée, Gillian proposa de se cacher, mais Goodall devina un détail non évident: « Si on se cache, il saura où nous sommes mais nous ne saurons plus où il se trouve« . Elles parvinrent ainsi à faire revenir les chiens et à remonter sur le plateau, où le lion n’aurait pas pu les voir. Louis Leakey complimenta Goodall pour ce choix pertinent et se convainquit à cet instant que sa future collègue était adaptée à l’étude des chimpanzés.
Elle a appris la méthode scientifique dans la cour de la maison
Jane Goodall est née en 1934 et a passé une bonne partie de sa vie à entendre dire qu’il valait mieux qu’elle abandonne l’étude des chimpanzés, jugée trop compliquée pour une jeune fille.
Mais ces affirmations n’avaient aucun sens pour une personne élevée dans une famille de femmes, entre mère, grand-mère, arrière-grand-mère et tantes. De toutes celles-ci, elle a été encouragée à poursuivre ses ambitions et à se donner les moyens d’obtenir les résultats désirés.
Sa mère ne la réprimanda pas lorsque, un jour, elle rentra tard et vêtue de terre. Elle l’écouta plutôt avec une grande attention, relata avec précision comment les poules pondent leurs œufs. Pour le découvrir, Goodall resta des heures immobile dans un poulailler pour observer les volailles de près. À l’âge de seulement quatre ans, elle avait compris que, pour approfondir les mécanismes du monde animal, il fallait les suivre de ses propres yeux lorsque cela se produit dans leur environnement. La première étape de la méthode scientifique.
Elle écrivit le premier nécrologie non dédiée à un être humain
À partir de 1960, Jane Goodall s’immergea pleinement dans l’étude du groupe de chimpanzés vivant dans la réserve du Gombe Stream, en Tanzanie. Pendant près de 30 années, elle passa la majeure partie de son temps en leur compagnie et apprit à connaître chaque individu, qu’elle nomma. David Greybeard, par exemple, fut celui qui lui montra pour la première fois l’usage d’outils pour chasser les termites. Il y avait aussi Flo, la matriarche, et l’une des chimpanzes auxquels elle s’attacha le plus.
C’est d’elle qu’elle apprit que les chimpanzés pouvaient mettre au monde un enfant tous les quatre ou six ans et que naissaient au maximum deux petits par an au sein du groupe. Juste au moment où elle découvrit que Flo était devenue mère, Goodall voulut mettre fin à la lune de miel avec son nouveau mari, le photographe naturaliste Hugo van Lawick, et se précipita vers Gombe. En 1972, l’animal mourut. La chercheuse écrivit pour elle une annonce à publier dans le Sunday Times: ce fut le premier nécrologie de l’histoire consacrée à un animal non humain à paraître dans un journal.
L’accusation: elle avait gagné les fonds pour les recherches grâce à ses jambes
Pour résumer les préjugés avec lesquels elle a dû lutter toute sa vie en tant que femme, Goodall aimait raconter une anecdote, relatée aussi par Catrin Einhorn du New York Times qui l’avait interviewée en 2016. Passant la majeure partie de son temps en Afrique, Goodall était habituée à porter des pantalons courts. Il n’a pas fallu longtemps pour que l’attention des médias passe des recherches à ses jambes, décrites comme très attrayantes.
Certaines études masculines, nourries peut-être par leur jalousie de ne pas avoir reçu le même soutien à leurs recherches, se lamentèrent du fait qu’elle soit devenue célèbre et qu’elle obtienne des financements surtout grâce à ses jambes.
«Si quelqu’un le disait aujourd’hui, on porterait plainte. Alors, tout ce que je voulais, c’était revenir auprès des chimpanzés. Donc si mes jambes me donnaient l’argent pour le faire, eh bien, merci les jambes !».
Même les meilleurs se trompent (et s’excusent)
Jane Goodall a été une pionnière non seulement de la recherche sur le comportement animal, mais aussi de la vulgarisation scientifique à laquelle elle a dédié la majeure partie des dernières années de sa vie. Comme tout le monde, elle a dû prendre conscience de certaines erreurs commises au cours de sa carrière et presenter des excuses. La plus célèbre concerne la sortie de son livre : Seeds of Hope: Wisdom and Wonder from the World of Plants (« Semi de l’espoir : sagesse et merveille du monde végétal »). En 2013, elle a dû admettre et s’excuser d’avoir copié sans citer les sources certains passages tirés de sites web.
Plus intéressante encore pour notre relation avec les animaux sont les réflexions sur les façons dont elle a tenté d’établir un contact avec les chimpanzés de Gombe. L’un de ces gestes fut de leur offrir des bananes. Elle prit toutefois conscience rapidement que ce geste, perçu comme inoffensif, déclenchait des luttes entre chimpanzés et babouins pour l’accession à la nourriture. Recevoir des fruits semblait aussi avoir rendu les chimpanzés de Gombe plus agressifs que des groupes vivant dans des zones plus éloignées. Aujourd’hui, nous savons qu’approcher des animaux sauvages par la nourriture est une pratique erronée : entre autres choses, cela peut les rendre plus dépendants de l’homme et les conduire à une alimentation inappropriée.