Le Trumphone, une tentative de smartphone patriotique aux États-Unis
Un téléphone doré, arborant fièrement la bannière étoilée gravée à l’arrière et le nom de Trump affiché en lettres visibles : voici le T1 Phone, le smartphone qualifié de « pour les patriotes » et présenté lors d’un événement à la Trump Tower de Manhattan. Sa sortie est annoncée pour la période entre août et septembre 2025. Ce modèle représente un investissement de 499 dollars, fonctionne sous le système d’exploitation Android 15, et vise à offrir des performances haut de gamme : écran de 6,78 pouces avec un taux de rafraîchissement à 120 Hz, triple appareil photo principal doté d’un capteur de 50 MP, 12 Go de RAM et 256 Go de mémoire interne.
Outre le téléphone, la Trump Organization a lancé Trump Mobile, un nouveau service de téléphonie mobile. Ce dernier s’appuiera sur les réseaux des principaux opérateurs américains pour proposer un forfait « illimité » à 47,45 dollars par mois. Parmi les avantages offerts : assistance routière, appels internationaux gratuits et services de téléconsultation médicale. Selon ses promoteurs, cette initiative a une vocation aussi bien politique que symbolique : bâtir une alternative technologique « entièrement américaine » et conçue pour les travailleurs. Mais c’est précisément sur ce point que résident les controverses majeures.
Made in… douteux !
Trump Mobile affirme que le T1 a été « conçu et fabriqué entièrement aux États-Unis », mais plusieurs experts ont exprimé de sérieux doutes à ce sujet. D’après AppleInsider, ce téléphone serait en réalité une simple opération de relifting du REVVL 7 Pro 5G, un modèle produit par Wingtech/Luxshare, une entreprise chinoise. Plus catégorique, le site The Verge qualifie la déclaration d’« extrêmement peu crédible » : « Il est peu probable que le T1 soit véritablement fabriqué aux États-Unis. »
Le véritable enjeu est à la fois technique et économique : aucune entreprise américaine, pas même Apple, n’est aujourd’hui en mesure de produire un smartphone haut de gamme intégralement en Amérique à un prix aussi compétitif. Pour y parvenir, il faudrait une filière de fournisseurs locaux, ce qui est loin d’être le cas actuellement. La majorité des composants et de la fabrication se trouvent en Asie. Donald Trump a longtemps revendiqué son objectif de relocaliser la production aux États-Unis, allant jusqu’à menacer Apple de taxes douanières sur les produits assemblés à l’étranger. Cependant, la réalité industrielle et la propaganda politique semblent encore très éloignées.
Un conflit d’intérêts potentiellement problématique
Le lancement du T1 intervient à un moment sensible, alors que les politiques douanières mises en place par Trump continuent de faire osciller les marchés internationaux. Mais un autre problème se pose : celui du conflit d’intérêts. La Constitution américaine, via la Clause des Emoluments, prévoit que le président ne doit pas tirer de bénéfices personnels de ses fonctions. Pendant de nombreuses décennies, les présidents avaient évité toute activité entrepreneuriale durant leur mandat, certains comme Jimmy Carter ayant même cédé temporairement leurs affaires personnelles.
Trump, quant à lui, a constamment reinterpreté cette norme à sa façon. Son utilisation de ses propres produits dans une opération commerciale liée à son nom lors de sa présidence soulève des questions. La mise sur le marché d’un smartphone portant son nom, destiné à ses électeurs les plus dévoués, semble remettre en cause la séparation entre ses intérêts professionnels et ses devoirs politiques. On peut légitimement se demander où s’arrête l’opération commerciale et où commence la démarche politique, tant cette opération semble mêler les deux aspects.
Un symbole plutôt qu’un véritable smartphone
Le T1 Phone veut surtout être un symbole, une déclaration forte plus qu’un simple appareil technologique. Il incarne la vision trumpienne d’une « technologie alternative », délaissant les géants de la Silicon Valley, souvent perçus comme trop libéraux. La cible privilégiée : un public conservateur, méfiant face au mainstream. Ce n’est pas un hasard si ce smartphone n’est pas présenté comme une « meilleure technologie », mais comme un « notre téléphone ». Un objet identitaire, qui s’inscrit dans une stratégie beaucoup plus large.
Après avoir soutenu des réseaux sociaux alternatifs, voilà que l’attention se porte désormais sur le hardware. Mais combien de temps pourra durer un produit qui mise plus sur le sens d’appartenance que sur l’innovation réelle ? À l’heure actuelle, ni le fabricant exact ni le degré d’indépendance de l’entreprise ne sont clairement connus. Ce qui est certain, c’est que Trump, encore une fois, a su capter l’attention sur lui. D’ailleurs, comme le disait Oscar Wilde : « Ce qui compte, ce n’est pas qu’on parle bien ou mal de vous, c’est qu’on parle de vous. »