L’ansia, la depressione et les symptômes dissociatifs sont plus fréquents chez les personnes ayant vécu des expériences extracorporelles. Cependant, ces expériences, tout en étant troublantes, peuvent aussi constituer un mécanisme d’évasion face à des situations difficiles.
Les individus ayant expérimenté au cours de leur vie une expérience extracorporelle, c’est-à-dire la sensation de sortir momentanément de leur corps physique pour l’observer de l’extérieur, semblent partager certains points communs : ils pourraient présenter une santé mentale plus fragile comparée à ceux qui n’ont jamais vécu ce type de phénomène.
Une recherche scientifique publiée dans la revue Personality and Individual Differences a mis en évidence que ces expériences offrent une échappatoire temporaire face à des situations de stress psychologique, et devraient donc être comprises comme un mécanisme de défense naturel.
Qu’est-ce qu’une expérience extracorporelle ?
Les expériences extracorporelles (out of body experiences, OBE) ressemblent à une véritable « fracture » de la conscience de soi dans l’espace : même en étant éveillé, on a la sensation de flotter hors de son corps. Ces phénomènes peuvent survenir comme un « effet secondaire » de certaines conditions médicales telles que la migraine, l’épilepsie ou des traumatismes crâniens, ou lors du réveil après une anesthésie générale. Ils apparaissent aussi pendant des périodes de transition entre sommeil et éveil, lors d’états de méditation profonde, ou encore dans des situations de stress intense, de danger ou de douleur physique.
Ces expériences peuvent être accompagnées d’un sentiment profond de paix ou, à l’inverse, d’une peur de ne pas réussir à revenir dans leur corps, perçu comme une entité distante, survolée comme suspendue, difficile à retrouver ou à réincarner.
Expériences extracorporelles en laboratoire
Il est également possible d’induit ces expériences dans un contexte contrôlé afin de mieux les étudier. Cela peut être réalisé en stimulant, lors d’interventions de chirurgie cérébrale, le giro angulaire droit, une zone du cerveau impliquée dans l’intégration des informations visuelles et du feedback concernant la position des membres dans l’espace. Une autre méthode consiste à utiliser la réalité virtuelle pour projeter un signal interoceptif, tel que la perception du rythme cardiaque, à l’extérieur du corps d’un volontaire. Ces expériences ont été menées notamment par une équipe du Politecnico Fédéral de Lausanne, en Suisse.
Lien entre expériences extracorporelles et santé mentale
Une étude récente menée par Marina Weiler, neuroscientifique à l’Université de Virginie (États-Unis), a porté sur 545 adultes ayant vécu divers types d’expériences et a examiné leur état de santé mentale. Parmi ceux qui avaient expérimenté des OBE, 80 % en avaient vécu entre une et quatre fois, tandis que 20 % en avaient subi un nombre supérieur.
Malgré l’origine diverse de ces expériences — méditation, hypnose, consommation de substances psychoactives ou survenue spontanée —, il a été constaté que celles-ci étaient plus fréquemment associées à des troubles psychiques comme l’anxiété ou la dépression. De plus, les personnes ayant vécu ces expériences se disaient plus sujettes à des symptômes dissociatifs, un ensemble de sensations qui donnent un sentiment de déconnexion de soi-même, souvent après un traumatisme.
Une forme de mécanisme de défense
Selon les chercheurs, si ces résultats sont coherents, les expériences extracorporelles pourraient être comprises comme des échappées temporaires à la réalité stressante ou comme un moyen de prendre du recul, en externalisant l’expérience vécue. En somme, elles ne seraient ni inquiétantes en elles-mêmes ni une source de traumatisme : elles représenteraient plutôt une réponse adaptative face à une situation traumatisante.