Deux tiers des ressources rares sont produites en Chine, une nécessité mondiale. Pourquoi l’Occident ne découvre-t-il pas ses propres ressources ?
Une majorité des terres rares, essentielles pour de nombreuses industries, sont extraites en Chine. Pourtant, pourquoi l’Europe ou la France n’exploitent-elles pas davantage leurs propres gisements ?
En traversant la vaste steppe du nord de la Chine, une région où existent d’importants gisements de terres rares, on ne peut s’empêcher de remarquer les nombreuses éoliennes qui bordent la route. La route mène à Baotou, une ville de la région intérieure de Mongolie, souvent qualifiée de « capitale des terres rares ».
Une route dédiée et un parc officiel dédié aux terres rares
Dans cette ville se trouve une « route des terres rares » ainsi qu’un parc officiellement dédié à leur extraction, avec notamment un monument en hommage à Deng Xiaoping. L’ancien leader chinois, qui a lancé de profondes réformes économiques dans les années 1980, a également placé la souveraineté du pays sur ces minéraux stratégiques. Deng aurait un jour déclaré : « Le Moyen-Orient a le pétrole, nous avons les terres rares. » Depuis lors, de nombreuses entreprises de haute technologie se sont installées à Baotou, faisant de cette ville un centre industriel clé.
Une évolution vue par une habitante locale
Une retraitée raconte : « Beaucoup de jeunes passent maintenant en tenue de travail dans les usines de magnets, se rendant au travail en voiture. Je suis assez fière d’eux. »
« On aurait pu tirer des leçons des conflits précédents »
Le monopole quasi-total de la Chine sur ces minéraux
Environ 70 % des terres rares dans le monde sont exploitées en Chine, qui traite même plus que cela, avec près de 90 %. La Chine détient donc un quasi-monopole sur cette ressource. En France, par exemple, deux tiers des terres rares sont importés d’Extrême-Orient.
Malgré la présence de gisements en Allemagne, notamment dans la région de Saxe, leur extraction reste peu rentable, estime Jana Rückschloss, spécialiste du Fraunhofer. « Les coûts de main-d’œuvre élevés et nos normes environnementales strictes compliquent l’exploitation, sans parler des processus d’autorisation longs et complexes, qui inquiètent les investisseurs. »
Les défis de l’extraction et de la préservation de l’environnement
Même si ces éléments sont relativement abondants dans la croûte terrestre, leur extraction s’avère difficile. Ils sont dispersés finement, souvent mêlés à d’autres minerais, ce qui nécessite des procédés coûteux et souvent néfastes pour l’environnement. De nombreux pays ont donc longtemps laissé à la Chine le soin de s’en charger.
Brevet pour la transformation des terres rares
Les conditions de l’exploitation en question
« On ne dispose que de peu d’informations concrètes sur les conditions de travail dans les mines », explique Rückschloss. « On sait que la récupération des minéraux se fait souvent à l’aide de produits chimiques très toxiques, directement sur site, au contact des forages. On injecte de l’acide pour évacuer ces oxydes, ce qui rend certaines zones inhabitables pour la faune et la flore. Par ailleurs, des boues très toxiques, parfois radioactives, sont produites. »
Une dépendance européenne sur ces matières premières
La Commission européenne a classé 34 matières premières comme critiques, dont beaucoup sont majoritairement ou totalement importées de Chine. Le continent européen dépend fortement de ce pays pour ses approvisionnements en minerais essentiels à la transition énergétique et à l’industrie moderne.
La Chine, maître dans la transformation et l’exportation
De plus, Pékin détient un grand nombre de brevets relatifs aux procédés de transformation, et il importe aussi des matières premières ou des sous-produits d’autres pays, comme le cobalt provenant de RDC. La Chine, premier producteur mondial de cobalt, a investi massivement ces dix dernières années, consolidant davantage sa position dominante sur ces minerais stratégiques.
Les États du G7 veulent sécuriser leurs propres chaînes d’approvisionnement
Lors du sommet du G7 au Canada, les grandes puissances occidentales ont décidé de réduire leur dépendance envers des régimes autoritaires comme la Chine. Elles souhaitent mettre en place des filières propres pour certains minerais critiques tels que le lithium, le cobalt ou encore les terres rares. Toutefois, cela ne se fera pas du jour au lendemain, comme l’explique Martin Erdmann, de l’Institut géologique et minier allemand. La transition vers des approvisionnements indépendants prendra du temps et nécessitera de nombreux investissements.
Les défis à relever
« Il faut explorer de nouveaux gisements en dehors de la Chine et développer des capacités de transformation hors du géant asiatique, » précise-t-il. « Mais à court et moyen terme, cela reste difficile, notamment par manque de savoir-faire. La mise en service d’une extraction ou d’une usine de transformation prend plusieurs années, voire une décennie. »