Ceux qui survivent avec peu de sommeil sans en subir les effets doivent leur succès à leurs gènes
Il existe des personnes qui se sentent complètement à plat si elles ne dorment pas au moins huit heures par nuit, tandis que d’autres peuvent se contenter de dormir entre 4 et 6 heures sans en ressentir les conséquences néfastes. Parmi cette deuxième catégorie se trouvent quelques individus exceptionnellement chanceux, qui semblent ne pas souffrir des effets physiques ou cognitifs liés à la privation de sommeil. Des études antérieures ont déjà montré que ces individus sont en partie aidés par leur patrimoine génétique. Aujourd’hui, une nouvelle mutation génétique a été découverte, susceptible d’expliquer leur faible besoin de sommeil. Comprendre cette mutation, ainsi que d’autres anomalies génétiques qui régulent le repos nocturne, permettra sans doute de mieux traiter les troubles du sommeil, souvent nombreux et invalidants.
Un avantage supplémentaire
« Nos corps poursuivent leur activité même lorsque nous sommes allongés pour dormir », explique Ying-Hui Fu, neuroscientifique et généticienne à l’Université de Californie à San Francisco, qui a coécrit l’étude publiée dans la revue PNAS. Il est communément admis que le sommeil permet de nettoyer le cerveau des toxines, et que l’organisme profite de cette période pour réparer les dégâts cellulaires. « Chez ces personnes, toutes ces activités que nos corps réalisent pendant le sommeil semblent fonctionner à un niveau supérieur », précise la chercheuse.
Des mutations favorables
Déjà dans les années 2000, l’équipe de Fu avait identifié, chez une mère et sa fille, une mutation rare dans un gène jouant un rôle dans la régulation du rythme circadien, c’est-à-dire l’horloge interne de l’organisme qui suit un cycle de 24 heures. Cette mutation contribuait à réduire le besoin de sommeil. L’étude avait permis aux chercheurs d’entrer en contact avec des centaines de personnes se levant chaque jour reposées, même après seulement quatre heures de sommeil. En étudiant ces individus, le groupe de recherche a finalement identifié, au fil du temps, cinq mutations touchant quatre gènes différents, qui permettent à ces personnes de fonctionner normalement malgré un sommeil réduit.
Une nouvelle mutation entre deux cellules nerveuses
Dans la dernière recherche, menée sur un homme de soixante-dix ans qui dort naturellement peu, les chercheurs ont découvert une mutation inconnue affecting un gène nommé SIK3. Ce gène code pour un enzyme particulièrement actif dans l’espace qui sépare deux neurones. Il était déjà établi que ce gène était lié au sommeil, d’une façon ou d’une autre. En effet, une étude japonaise précédente avait identifié une mutation différente affecting le même gène SIK3, entraînant une somnolence accrue chez la souris.
Une mutation qui fait le buzz
Lorsqu’elle a été transférée à des souris – qui en général ont besoin d’environ 12 heures de sommeil – cette nouvelle mutation a permis aux rongeurs de réduire leur temps de sommeil d’en moyenne 31 minutes par jour. Cette enzyme mutée apparaît également très active au niveau des synapses, ces connexions entre neurones. Une hypothèse avancée par les chercheurs est que la mutation raccourcirait le besoin de sommeil en favorisant l’homéostasie cérébrale. En termes simples, cela signifierait que le sommeil ne sert pas uniquement à « réinitialiser » le cerveau, mais agit aussi pour renforcer ou affaiblir certaines synapses en fonction de leur importance, notamment celles accumulées durant la journée.
Mais pourquoi dormir ?
Ce qu’on a découvert constitue un petit pas supplémentaire dans la compréhension complexe du besoin de sommeil. Le fait que cette mutation influence, mais pas de façon drastique, la quantité de sommeil nécessaire chez les souris indique que nos connaissances sur les gènes impliqués dans cette fonction sont encore incomplètes. Mieux connaître ces mutations qui permettent à certains de rester « toujours éveillés », à l’abri des nuits courtes, aidera à approfondir notre compréhension du rôle du sommeil et des mécanismes qui le régulent.